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jugement, résultat à rechercher tout particulièrement sous le régime du suffrage universel, d’un intérêt de premier ordre pour le bien du pays et, comme on le verra plus loin, pour la force de l’armée dont la puissance est la principale garantie de l’indépendance de la nation, la condition même de son existence.

Les forces sérieuses ne s’improvisent pas au moment du danger. Une préparation méthodique peut seule constituer les armées redoutables. C’est en inspirant à l’enfant, en entretenant chez le jeune homme, les sentimens de patriotisme, de devoir et d’esprit de sacrifice, en développant ses forces physiques, en lui rendant familière la raison d’être de ses actes par un exercice précoce et graduel de son jugement, que l’on inspirera une initiative ei une confiance judicieuses qui donneront à l’homme toute sa valeur et lui feront produire le maximum d’effet utile.

Sans doute l’établissement du service obligatoire a eu pour objet de donner à tous les citoyens l’instruction militaire et de développer, sous les drapeaux, les sentimens de patriotisme et de valeur puisés au sein de la famille, véritable foyer de l’éducation de l’enfant. Mais il apparaît qu’il ne faut pas exclusivement compter sur la durée de l’impression de nos malheurs et sur leur répercussion sur la masse profonde de notre population. D’autre part, il a déjà été indiqué que le service obligatoire réduit à ses forces actuelles était impuissant à se suffire à lui-même ; qu’il ne parvenait à créer des cadres en nombre nécessaire et dont la valeur laisse cependant à désirer, qu’en empruntant à la constitution de l’ancienne armée une de ses obligations les plus dures, la plus lourde au point de vue budgétaire, la moins propre à une égale répartition des charges du recrutement, et la moins favorable au point de vue du développement économique du pays ; à savoir, la prolongation du service, tout au moins pour une portion très appréciable de ses forces.

Dans l’état actuel et avec les erremens en vigueur, un service d’une certaine durée ne s’impose pas seulement par la nécessité d’obtenir des cadres, mais encore par l’obligation du dressage presque entier de l’homme, dressage qui reste imparfait, quand même, opéré par des instructeurs formés eux-mêmes par des procédés insuffisans. Tel qu’il est pratiqué, il comporte pour le jeune soldat une éducation physique et une instruction morale, également nouvelles, qu’il faut du temps pour acquérir et dont l’apprentissage, au moment et dans les conditions où il les reçoit