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n’est pas fait pour exalter ses sentimens patriotiques et militaires. C’est plus tard seulement, quand il a traversé la période d’initiation, que les premières impressions fâcheuses s’effacent et qu’il se pénètre de ses devoirs envers la Patrie.

Le service obligatoire est résulté, en France, d’un élan patriotique en face d’une nécessité évidente. Mais par cela même qu’il ne s’est pas produit par l’éclosion d’idées en germe depuis longtemps dans les esprits, il ne peut avoir sur les générations nouvelles qu’une action lente dont la nature est subordonnée aux influences variables d’une opinion incomplètement éclairée et sujette à être impressionnée par les illusions et les utopies qu’engendre un état de paix prolongé. Il est venu s’établir brusquement dans un milieu où le service militaire passait pour la plus dure des obligations, à laquelle la plupart désiraient se soustraire, que beaucoup évitaient, et qui était considérée par les autres comme une période de rude épreuve, dont ils saluaient le terme avec joie, après l’avoir attendu avec impatience.

Comment espérer que l’éducation de la famille, pénétrée pendant si longtemps de ce sentiment, presque étrangère, en général, à ce qui touche l’armée, permette à l’enfant d’y puiser l’esprit militaire, cette l’orme particulière de l’esprit de sacrifice ? N’est-il pas à craindre que le patriotisme longtemps stimulé par nos revers ne s’engourdisse ? Et quand même il serait plus durable, en dehors des cœurs d’élite dont le nombre est toujours restreint, il n’est pas assez puissant, s’il n’est entretenu et développé, pour combattre victorieusement les causes multiples qui tendent à l’amoindrir ; par-dessus tout, il reste stérile s’il n’est pas guidé et discipliné.

Ainsi, en tout état de cause, le service obligatoire est impuissant à produire les résultats qui ont décidé son adoption s’il n’est étayé d’une préparation et de moyens suffisans,

1° Instruction militaire assez généralisée et élasticité suffisante dans la formation des cadres, pour offrir la faculté de faire concourir efficacement tous les hommes valides au salut du pays, le jour où son existence est menacée.

2° Service court en temps de paix, produisant une égale répartition des charges et satisfaisant néanmoins, dans la plus large mesure, aux besoins économiques du pays, tout en entretenant, dans les esprits, les sentimens de patriotisme, de devoir et de discipline, sans lesquels une nation touche à sa perte.