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par ses soins, est remis par le courrier au maréchal Davout qui l’envoie au cabinet de l’Empereur : « Celui dont je tiens mes renseignemens, écrit La : Fare, a vu lui-même ce paquet à Dresde sur la table du duc de Bassano. La pièce la plus essentielle était une lettre de Monsieur au prince royal de Suède (Bernadotte). »

On pourrait citer vingt exemples analogues, attestant un état de choses que nous ne comprenons plus guère aujourd’hui, mais qui donnait alors à. la privation de nouvelles comme aux séparations un caractère douloureux. Pendant la durée de son exil, Louis XVIII n’a pas cessé d’en souffrir. A Mitau, il s’en plaignait et se désolait « d’être au bout du monde. » Il ne fut pas plus heureux en Angleterre, quoique plus rapproché de la France.

En 1811, alors qu’on s’attendait à voir se rompre l’alliance conclue à Tilsitt entre Napoléon et Alexandre et la guerre recommencer, la rareté d’informations sûres pesa lourdement sur lui. Le gouvernement anglais aurait pu lui communiquer celles qu’il recevait du dehors par ses agens diplomatiques. Mais c’était un système de ne plus entretenir de relations politiques avec le roi de France. On ne lui communiquait donc rien[1] ; il ne savait rien que par les papiers publics dont les dires étaient ordinairement erronés ou dénaturés. Les lettres que ses représentans lui adressaient ne présentaient le plus souvent, quand il les recevait, qu’un intérêt rétrospectif.

Du reste, ses moyens d’informations s’étaient singulièrement raréfiés par suite de la dispersion des émigrés et du retour du plus grand nombre en France. S’il n’avait eu à Vienne La Fare et le marquis de Bonnay, et si Blacas n’avait entretenu une active correspondance avec le comte de Maistre qui résidait toujours à Saint-Pétersbourg, à Hartwell on n’aurait su que par les gazettes et très incomplètement ce qui se passait dans le Nord de l’Europe où se jouait alors la fortune de la France. C’est seulement de Saint-Pétersbourg et de Vienne qu’arrivaient au Roi les nouvelles qu’il avait intérêt à connaître.

Pendant la campagne de Russie, Joseph de Maistre, mieux placé que La Fare pour bien voir, se prodigue pour tenir Blacas au courant des événemens. Il lui transmet les nouvelles qui arrivent du théâtre de la guerre dans la capitale lasse, telles

  1. II en était de même en Russie. De Maistre écrit : « Le caractère général du gouvernement le porte à tout cacher. »