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exprès du ministère russe, sur un espace de huit cents verstes. Napoléon a parlé de liberté, on s’est moqué de lui et chaque paysan a mis de ses propres mains le feu à sa maison en la quittant avant l’arrivée des Français. Après la sanglante bataille de Borodino, il a volé sur la capitale, dans l’espoir que les Russes bien inférieurs en nombre accepteraient une bataille pour sauver la capitale. Point du tout ; les Russes ont dit : — Entrez, mais point de paix. Il est entré et il a incendié de sang-froid cette immense capitale. On lui a dit : — Brûlez, mais point de paix. »

Le 13 novembre de cette fatale année 1812, c’est un chant de victoire qu’entonne Joseph de Maistre :

« Vive le Roi ! Buonaparte n’a plus d’armée. Le maréchal prince Koutousoff, tout en le faisant harceler par un fort détachement de son armée et par les Cosaques, l’a coupé sur la route d’Orcha et l’a forcé d’accepter, le 5 et le 6 de ce mois, deux combats après lesquels tout est dit : vingt mille prisonniers et deux cents canons sont le fruit de ces deux fameuses journées. On s’est battu entre Orcha et Krasnoy, gouvernement de Smolensk, mais cependant beaucoup plus près de ce dernier endroit, je veux dire de Krasnoy. Les Russes ont fait un immense butin, ils ont pris surtout l’équipage de messeigneurs les maréchaux Davout et Ney et jusqu’à leurs bâtons de commandement, fort belle relique. Napoléon commandait avec eux le 5 et n’a rien oublié pour animer ses troupes, Il a passé, dit-on, la nuit du 5 au 6 au milieu d’un bataillon carré ; mais, depuis ce moment, il a disparu. Des 20 000 prisonniers, 8 500 ont mis bas les armes, le 6. On fait monter le nombre des morts à 40 000. Ney est tué. Il y a douze généraux prisonniers. Le reste de l’armée s’est éparpillé dans les bois, et ce qui échappera à la pique des Cosaques périra de faim et de froid. Napoléon s’est réservé sans doute les meilleurs chevaux et les hommes les plus affidés, pour échapper à son sort ; mais le 6, Platoff avec ses cosaques était à Dombrowno... Les Russes occupent Rabinovitch. Wittgenstein arrive par Penno, Tchitchagoff par Minsk. Tous les paysans sont en armes. Il n’a plus de provisions, plus d’artillerie ; les vainqueurs le talonnent, et il y a douze degrés de froid. Où ira-t-il ? où se cachera-t-il ? Une secousse à Paris est inévitable, et tout le continent de l’Europe va subir une révolution subite, etc.

« Je mets mes humbles félicitations et mes vives espérances aux pieds de votre Auguste Maître. S’il daigne les relever, je