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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/652

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peut guère craindre que l’un se laisse séduire ou tromper par l’autre.

« Des ouvertures d’une nature différente lui ont été faites en même temps de l’intérieur, et c’est, je crois, le fait le plus important qui soit venu à ma connaissance, d’autant qu’il est assez évident qu’elles ont fait quelque impression sur lui. Des membres du Sénat, et autres personnes actuellement en autorité en France, lui ont mandé qu’ils ne voulaient plus de Bonaparte ni de sa race, que tout ce qu’ils désiraient était de le déclarer, lui Bernadotte, régent du royaume, et de reconnaître pour leur souverain l’homme qu’il leur désignerait. Ces mêmes personnes lui ajoutaient de ne rien faire en faveur des Bourbons, parce qu’ils n’en voulaient pas non plus. Néanmoins, en montrant à M. de Montrichard[1] cette lettre, il lui dit avec emphase :

« — Si j’acceptais une pareille offre, ce serait le vœu national qui me guiderait ; s’il était en faveur des Bourbons, je serais le premier à les proclamer, Mais je ne contrarierais pas le vœu national.

« Ce vœu national, qui est à présent son cheval de bataille, voudrait dire en pareil cas le parti qui satisferait le plus son amour-propre, lequel est le grand mobile de sa conduite et le côté faible par où il faudra toujours l’attaquer. Je n’oserais dire que ces ouvertures ne lui aient point fait naître des idées d’ambition personnelle, quoiqu’il ait bien des fois protesté que si on lui offrait la couronne de France, il la refuserait. Mais il est Gascon ; il a l’accent de son pays, qui n’est pas en général l’accent de la sincérité.

« En tout, quand il parle de nos princes, son refrain est toujours de dire qu’il est extrêmement disposé à servir leur cause, mais que le moment n’est pas venu ; que pour le présent, il faut qu’ils se tiennent tranquilles ; qu’on doit d’abord chasser les Français de l’Allemagne ; que quand il serait sur les bords du Rhin avec une armée, il parlerait et qu’on pourrait s’en rapporter à lui sur la proclamation à faire en pareil cas. Il faut convenir que, jusqu’à présent, il ne prend pas la route du Rhin bien promptement. Mais je dois ajouter que toutes les personnes dont j’ai pu connaître l’opinion semblent s’accorder à dire que ce n’est pas le moment de le presser à cet égard. Même un homme qui

  1. Émigré, qui avait pris du service en Suède.