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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/670

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à De Maistre fût arrivée à sa destination, on apprenait à Londres les graves événemens survenus à Paris durant les trois premiers jours d’avril : la déchéance de Napoléon, prononcée par le Sénat et la formation d’un gouvernement provisoire. Bien que le rappel des Bourbons n’eût pas suivi ces mesures, elles apparaissaient comme le prologue de leur l’établissement. Aux yeux des Anglais, Louis XVIII cessait brusquement d’être le souverain proscrit auquel, depuis six ans, ils prodiguaient les témoignages d’une commisération respectueuse ; il redevenait le Roi, le roi de France qui allait demain rentrer en possession de sa couronne. C’est à ce titre que, maintenant, après avoir si longtemps paru l’oublier, ils lui apportaient leurs hommages dans ce château d’Hartwell où, comme la Belle au bois dormant, la vieille monarchie française sortait de son long assoupissement ; à ce titre aussi que le prince régent, dans sa résidence de Carlton House, offrait à Louis XVIII une fête somptueuse à laquelle tenait à honneur d’assister tout ce qui comptait dans la société britannique.

Cependant, le vote du Sénat français rendait inutile la démarche qu’au même moment, le comte de Bouillé, par ordre du Roi, faisait auprès de Bernadotte. S’il eût été possible à Louis XVIII d’arrêter en chemin son envoyé, il se fût empressé de le rappeler. Mais Bouillé avait doublé les étapes pour rejoindre le prince royal de Suède, couru après lui de Nancy à Cologne, et, l’ayant enfin rencontré à Kavserslautern sur la route de Mayence, dans la matinée du 2 avril, il s’était fait un devoir de lui remettre la lettre du Roi. Ce n’est qu’après la lui avoir remise, qu’en l’accompagnant à Bruxelles, il avait appris les résolutions du Sénat français et vu le Comte d’Artois partir pour Paris. Il en était réduit « à se désoler de la fatalité » qui l’avait entraîné à s’acquitter de son message avant de connaître les événemens de la capitale. Il est toujours fâcheux, quand des services d’un caractère louche ne peuvent être utilisés, de les avoir sollicités.

Quant à Bernadotte qu’on a vu si peu disposé à servir la cause des Bourbons quand elle semblait condamnée et se laisser dire, tout en protestant de son dévouement pour eux, qu’il était digne de régner à leur place, il affectait, maintenant qu’un vent favorable enflait leur voile, d’avoir toujours défendu leurs intérêts et d’être prêt à les défendre encore. La lettre que lui apportait Bouillé lui fournissait une occasion de le déclarer à