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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/674

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Ce n’est pas que l’on n’ait beaucoup écrit sur « le burlesque. » Tout le monde a lu les Grotesques, de Théophile Gautier, et nous ne saurions ici nous dispenser de rappeler au moins les études de Philarète Chasles sur les Victimes de Boileau. Son long article sur Saint-Amant, dans la Revue des Deux Mondes du 15 juin 1839, est ce que nous avons de mieux fait sur le poète du Moïse et de la Rome ridicule. Le livre de M. Morillot sur Scarron et le genre burlesque [Paris, 1888, Lecène et Oudin] est un excellent livre. Il y a encore, sur Cyrano de Bergerac et sur Saint-Amant, des écrits estimables, où la question, naturellement, est effleurée, sinon traitée à fond. La plupart des historiens de la littérature n’ont pu s’empêcher d’en dire quelques mots... Mais nous n’avons pas, il n’y a pas de théorie du burlesque ; et il ne faudrait en chercher une ni dans les savans, exacts, et substantiels articles de M. A. de Boislisle sur Paul Scarron [Revue des Questions historiques, 1893 et 1894], ni dans les trois volumes où l’érudit M. Chardon, en faisant revivre la troupe du Roman comique, en a ressuscité l’un après l’autre les modèles originaux[1], ni enfin dans le livre très brillant, trop brillant peut-être ou trop brillante, que M. Emile Magne vient de consacrer, tout récemment, à Scarron et son milieu 1905 dans la bibliothèque du Mercure de France... Et ce n’était pas proprement leur objet.

Il nous a donc semblé, pour cette raison même, que ce pourrait être le nôtre. Dans les livres de MM. P. Morillot, de Boislisle, Chardon et Magne on trouvera tout ce que nous savons aujourd’hui de Scarron. Nous, ici, de son œuvre et de celle de quelques-uns de ses contemporains, mais surtout des circonstances de leur publication, et de l’accueil qu’elles ont reçu, nous voudrions dégager au moins une esquisse de cette théorie du « burlesque, » qui nous manque, et sans laquelle c’est vingt-cinq ans de noire histoire littéraire où l’on est assez empêché de voir clair. Qu’est-ce donc que le « burlesque, » non pas en soi, et abstraitement, in vacuo, mais en fait, et dans l’histoire, et notamment dans l’histoire de la littérature française ? n’y faut-il voir qu’un accident de la mode, capricieux, passager et inexplicable comme elle ; ou faut-il au contraire y reconnaître

  1. R. Chardon : I. La Troupe du roman comique dévoilée, Paris, 1876, Champion ; et, II. Scarron inconnu et les types des personnages du Roman comique, 2 vol. Paris, 1904, Champion.