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Charron, l’Introduction à la vie dévote de saint François de Sales, le Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, et même l’Astrée d’Honoré d’Urfé, — l’influence italienne et espagnole, un moment interrompues dans leur cours, le reprennent aux environs de 1610, sous la régence de Marie de Médicis. On pourrait même dire qu’elles ont alors des représentans officiels à la Cour, en la personne d’Antonio Pérès, l’ancien secrétaire, ministre, et rival de Philippe II, et, un peu plus tard, en celle du cavalier Marin, l’autour de l’Adone, — et du vers célèbre où se résume toute une esthétique :


Chi non sa far stupir, vada alla striglia,


« A l’écurie [à l’étrille] l’imbécile qui ne sait pas stupéfier son monde ! »

Si, maintenant, on essaie de définir la nature de cette influence, et que, sans parler du reste, on ne s’applique uniquement qu’à démêler la part qu’elle peut avoir eue dans la formation du burlesque, deux courans apparaissent : l’un, italien, qui remonte jusqu’à Francesco Berni, par l’intermédiaire de ses imitateurs, Mauro, Lasca, Caporali ; et l’autre, espagnol, qui procède, pour une part, de Gongora, le maître du cultisme espagnol, et, pour une autre part, de la veine du « roman picaresque. » Le caractère essentiel de la satire « bernesque, » si l’on peut ainsi dire, a été mis admirablement en lumière par Francesco de Sanctis, dans cette Histoire de la littérature italienne, que je ne me lasse pas de citer, et qu’on ne se lasse point, en France, de ne pas lire ! Ce caractère, — par lequel la poésie bernesque demeure encore lyrique, et le sera jusque dans les imitations de nos Saint-Amant et de nos Scarron, — c’est l’épanouissement du Moi dans la satisfaction joyeuse de sa vulgarité. Aller au-devant des plaisanteries que les autres pourraient faire de nous, et non pas du tout nous moquer, mais nous glorifier de nos défauts et de nos vices ; en faire étalage et parade ; les transformer plaisamment en des qualités dont on a le droit d’être tout aussi fier qu’on l’a été jusqu’à présent de leur contraire ; se conjouir en sa goinfrerie, par exemple, ou dans sa couardise, à la manière des valets de Scarron ; et mieux encore, comme Scarron lui-même, s’égayer et faire rire aux dépens de ses infirmités, tel est, d’après Francesco de Sanctis, le caractère essentiel de la