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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/681

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même et jusque dans les discours des prédicateurs à la mode, — les « burlesques, » fidèles au vieil esprit gaulois, qui serait l’esprit de Montaigne et surtout de Rabelais, auraient les premiers secoué un joug insupportable ; rendu à l’écrivain la conscience de son originalité compromise dans la fréquentation des gens de cour ; revendiqué contre cet idéal de fausse élégance et d’héroïsme déclamatoire les droits de la nature et de la vérité ; ramené l’art à l’observation et à l’imitation de la vie ; et enfin, et ainsi, préparé les voies à la satire de Boileau, à la fable de La Fontaine, à la comédie de Molière-Le jaillissement brusque de leur gaîté aurait fait comme éclater, et voler en morceaux les cadres artificiels que les salons essayaient d’imposer à la littérature. C’est eux qui l’auraient comme remise en contact avec une « réalité » dont il semblait qu’elle eût perdu le sens en s’isolant du « populaire. » Ils auraient retrempé la langue à ses véritables sources, qui seraient plutôt, s’il fallait opter, le style d’amour des servantes que celui des marquises, et le jargon des halles que le « phœbus » de Vadius et de Trissotin. Leurs « parodies, » en même temps qu’elles seraient la revanche du bon sens, auraient eu presque une portée sociale. Et, après tout cela, si l’on ne va pas précisément jusqu’à les transformer, pour honorer leur « libertinage, » — et comme on l’a fait de Molière et de Rabelais, — en « précurseurs de la Révolution française, » du moins voit-on, et croit-on avoir le droit de voir en eux les ancêtres trop longtemps méconnus de tout ce que nous avons depuis lors appelé des noms de « réalisme » et de « naturalisme. »

L’erreur n’est pas inexplicable. Il est certain que ni Théophile, ni Saint-Amant, ni Cyrano, ni surtout Scarron, ni même d’Assoucy n’ont manqué de verve, et la licence qu’ils se donnent de dire « tout ce qui leur passe par la tête » communique d’ordinaire à tout ce qu’ils écrivent un air d’indépendance qui ressemble à de la vérité. Aussi bien toute satire, à tous les degrés, est-elle nécessairement « réaliste ; » et le vocabulaire de l’invective, plus pittoresque, plus coloré, plus abondant que celui du panégyrique, au moins en notre langue, a-t-il toujours quelque chose de plus précis et de plus concret. C’est justement le cas de nos « burlesques. » On n’en a point dressé les statistiques, mais il y a des chances pour que le vocabulaire de Scarron soit plus étendu, plus familier, moins abstrait surtout que celui de Corneille. Et comme enfin, en sa qualité de burlesque, les sujets que