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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/685

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raison quand il ajoute : « Ceux qui les applaudissaient, c’était les Hautefort, les Longueville, l’hôtel de Rambouillet..., » et sans doute, il est fort possible, après cela, que le goût, plus judicieux et plus délicat, de la vieille marquise se soit offensé de la vulgarité des plaisanteries de Scarron. S’est-elle donc reconnue et complue dans les moindres imitatrices de sa « préciosité ? » L’imitation affecte volontiers d’être indiscrète ou excessive, ce qui est au surplus la seule manière qu’elle ait souvent de paraître originale. Mais c’est bien par l’hôtel de Rambouillet que le « burlesque » a fait son entrée dans le monde, et si peut-être, — pour parler le langage du lieu, — il a pris « en devenant grand garçon » des manières plus libres et plus brusques, il n’a jamais renié ses origines, et ses premiers protecteurs ne lui ont retiré pour cela ni leur estime, ni leur admiration, ni leur faveur.

Que signifie donc cette complaisance de la « préciosité » pour le « burlesque ? » N’y faut-il voir qu’un « fait, » comme l’on dit ; le hasard d’une rencontre historique ; un concours de circonstances qui n’a dû se produire qu’une fois ? Ou plutôt ne serait-ce pas ici le témoignage d’une affinité naturelle des deux genres ; et, tout en étant en un sens le contraire du « précieux, » le « burlesque » n’en serait-il pas en même temps une espèce ou une variété ? C’est ce que je crois, pour ma part, et c’est ce que je voudrais essayer de montrer.

On ne s’est trompé que d’une nuance en faisant de la « parodie » le principe essentiel du burlesque, et le mot, presque synonyme, dont il faut se servir est celui de « travestissement. » La « parodie » n’est qu’un genre littéraire : le « travestissement » est universel. On ne peut guère « parodier » que des œuvres d’art et même, à bien parler, que des œuvres littéraires ou musicales, mais il n’est rien qu’on ne puisse travestir. C’est de ce « travestissement » que le burlesque s’engendre. Joachim du Bellay, dans ses Antiquités de Rome, avait chanté les grandeurs de la ville à « nulle autre seconde » : la Rome ridicule de Saint-Amant n’est qu’un « travestissement » de celle de Du Bellay. Pareillement les Mazarinades de Scarron ne sont pas d’une autre espèce que son Virgile travesti. On remarquera que c’est ici ce qui distingue profondément le burlesque d’avec le comique, et, ne disons pas seulement Molière d’avec Scarron, mais Molière d’avec lui-même. Le comique de l’École des Femmes est vraiment du comique : celui de la cérémonie du Bourgeois Gentilhomme ou