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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/691

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mœurs de leur temps. La Fontaine lui-même prétendra l’être. Je ne dis pas non plus qu’à ce mot de « nature, » dont on a fait, et dont on fait encore de nos jours, tant d’emplois si différens, ils donnent tous toute l’étendue qu’un Honoré de Balzac, par exemple, lui donnera dans sa Comédie. Ils sont plus jeunes que nous de deux siècles entiers ! Et j’ajouterai, si l’on veut, que Molière, directeur de théâtre, et, comme tel, obligé d’avoir toujours l’œil à la recette, mettra plus d’une fois sous clef les règles de son esthétique, pour écrire Monsieur de Pourceaugnac ou les Fourberies de Scapin. Mais leur point de départ sera toujours l’imitation de la nature, et parce qu’il sera l’imitation de la nature, c’est pour cela qu’ils ne s’en prendront ni plus ni moins, mais également aux burlesques et aux précieux.

C’est aussi pourquoi leur prétendue victoire, — la victoire qu’ils ont eux-mêmes cru qu’ils avaient remportée, et qu’on célèbre encore dans la plupart de nos histoires de la littérature, — cette victoire a duré tout juste autant que la vie publique de Molière, 1659-1673, et que l’activité littéraire de Boileau, 1664-1680. La revanche de la préciosité commence avec la mémorable et déloyale opposition que mènera contre Racine la cabale de Pradon et de Mme Deshoulières. Elle se continue, pour ainsi dire, à travers la querelle des anciens et des modernes, et on sait que Ch. Perrault, Fontenelle, Marivaux, Montesquieu même, — le Montesquieu des Lettres persanes, 1721, et du Temple de Guide, 1725, — en seront d’illustres représentans. Molière, Boileau, Racine, La Fontaine non seulement n’ont pas triomphé, mais on s’efforce universellement à réagir contre eux ; on conspire contre leur gloire dans le salon de Mme de Lambert ; et, ne l’oublions pas, pour qu’on leur rende une complète justice, il faudra que le XVIIIe siècle ait accompli plus de la moitié de son cours.


III

De ces observations on peut tirer diverses conclusions, de diverse nature, parmi lesquelles j’en indiquerai qui intéressent, les unes la littérature générale, et les autres l’histoire de la littérature française au XVIIe siècle.

C’est ainsi d’abord que, si le burlesque et le précieux ne sont au fond qu’une même chose, une même conception ou un même