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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/692

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idéal d’art, il apparaît clairement que l’histoire littéraire du XVIIe siècle se divise, non pas en deux, mais en trois périodes parfaitement distinctes, qui, nécessairement, se succèdent ou se continuent dans le temps, mais seulement dans le temps, et s’opposent d’ailleurs par tous leurs caractères. Encore une fois, — et quoique, tout récemment, on ait redit encore le contraire sur tous les tons, — Molière n’est pas le « continuateur » de Scarron, à moins que ce ne soit dans la cérémonie du Bourgeois Gentilhomme ou dans celle du Malade imaginaire, ni Racine surtout n’est le « continuateur » de Corneille. Je laisse de côté la question de savoir jusqu’à quel point ils y ont réussi, mais leur intention formelle a été de faire « autrement » que Corneille et Scarron, et c’est sur cette intention, consciente et parfaitement raisonnée, qu’il faut juger leur œuvre. Telle également a été, quelques années plus tard, l’intention des Fontenelle, par exemple, et des Marivaux, et généralement de tous ceux qui se sont portés contre les « anciens » les champions acharnés des « modernes : » Marivaux a voulu faire autrement que Molière, et Fontenelle autrement que Racine. C’est ici, vers 1685 ou 1690, que commence la troisième période. Et il est remarquable, mais surtout instructif que, voulant faire autrement, on n’en ait pas alors trouvé d’autre moyen, ou de plus prompt, ni de plus sûr que de revenir au « burlesque » et à la « préciosité, » comme si l’on croyait n’avoir pas épuisé la fécondité de cette conception d’art. C’est une des raisons encore que nous avons de penser que le burlesque, pas plus que le précieux, n’est un accident historique particulier, qui ne se serait vu qu’une fois, en des circonstances déterminées, mais au contraire une tendance intime ou une direction naturelle de l’esprit humain, qui se donnerait carrière selon les époques, au gré du caprice de la mode ou de la fantaisie de l’écrivain, et de la faveur avec laquelle l’opinion les accueillerait.

Et, aussi bien, ne le sait-on pas, qu’avec une obstination que l’on a peine à s’expliquer, c’est par des « travestissemens » que débute le futur auteur des Fausses Confidences et du Jeu de l’Amour et du Hasard ? On a essayé de le justifier, et de nous montrer dans les romans de sa jeunesse, tels que les Effets surprenans de la sympathie, une dérision des longs romans à la Scudéri, dont il aurait voulu, nous dit-on, d(‘‘goûter le public, mais dont nous pouvons en tous cas tenir pour assuré qu’il avait commencé