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comme d’un moyen d’amusement assez vulgaire et de satire assez grosse qu’on a usé de cet orientalisme. A une autre génération, les Siamois de Dufresny, les Persans de Montesquieu, les Turcs de Lesage ont procuré le même genre de divertissement qu’à leurs contemporains les caricatures de Scarron et de d’Assoucy. Ceux qui les ont mis en scène ne se sont proposé, comme les burlesques, que de faire rire, en exagérant ou en déformant la nature et la vérité. C’est tout à fait par hasard que, sous ces déguisemens, quelques traits de juste satire se sont glissés de loin en loin dans leur œuvre. Il convient seulement d’ajouter que tandis que le burlesque de leurs prédécesseurs n’avait été que cynique, l’Orient, et l’idée qu’on s’en faisait alors, a permis aux nouveaux précieux de donner à leurs œuvres un accent de libertinage qui en fait trop souvent l’unique et honteuse originalité.

C’est à Crébillon fils que je songe en écrivant ceci. L’étrange personnage qui se délassait de ses fonctions de « censeur royal » en écrivant l’Ecumoire ou le Sopha, et qu’une chaste et riche Anglaise épousa pour ce qu’elle avait découvert de sentimentalité dans ses polissonneries, n’a généralement pas de place dans nos histoires de la littérature ; et assurément, je ne demande pas qu’on lui en fasse une ! Mais ce que pourtant il faut savoir, — et au besoin nous en trouverions la preuve dans la manière dont Marivaux a parlé de lui, comme d’un émule qui le déshonorait en l’exagérant, — c’est que son succès a été considérable ; et, la raison de ce succès, je ne la vois pas moins dans l’extravagance ou le burlesque de ses inventions que dans l’indécence de ses propos ou le libertinage de ses « analyses. » Ce n’est pas du tout le nom d’épicurien ou de voluptueux, ou quelque autre plus sévère, que ses contemporains lui donnent, mais celui de « fou », de « grand fou, » c’est-à-dire d’auteur éminemment plaisant, dont les imaginations surprennent autant qu’elles font rire, ou même ne font rire que de ce qu’elles offrent de surprenant et d’inattendu. Les romans de Crébillon, comme les parodies de Lesage ou les travestissemens de Marivaux, appartiennent à l’histoire de la littérature du burlesque.

Et nous serions tentés d’en dire autant du « vaudeville » naissant si, du moins, on en veut avec nous retrouver les origines dans celle littérature dramatique des dernières années du XVIIIe siècle, qui procède elle-même du Théâtre de la Foire, et qu’on voit alors se répandre sur nos boulevards. Car c’est