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bien une forme de « burlesque, » — comme le vaudeville de Duvert et Lauzanne, comme celui de Labiche, — et on le verrait clairement si l’on prenait la peine d’en analyser les élémens. Mais il y a mieux que tout cela pour montrer dans l’histoire de notre littérature la continuité de la fortune du « burlesque, » il y a la Préface de Cromwell ; il y a le théâtre de Victor Hugo, il y aurait ses Misérables ; il y a toute cette littérature romantique « seconde, » si je puis ainsi dire, qui s’inspira, non pas de la Pléiade, comme on l’a erronément prétendu, mais, par l’intermédiaire de Gautier, de l’époque et du style Louis XIII ; il y a l’auteur de Tragaldabas ; il y a celui des Odes funambulesques ; — il y a aussi, puisqu’en ce moment même on le joue sur la scène de la Comédie-Française, l’auteur de la Fontaine de Jouvence, M, Emile Bergerat.

On peut dire qu’essentiellement la Préface de Cromwell n’est que la revendication des droits du « burlesque » dans l’art. Elle n’a d’ailleurs aucune valeur, quoiqu’on ait essayé d’en faire ce qu’on appelle « un texte classique, » et l’ignorance extraordinaire d’Hugo n’y a d’égale que son outrecuidance. Mais les droits du « burlesque » ou du « grotesque » dans l’art, qu’Hugo ne distingue pas ni ne distinguera jamais du comique ou même du « naturel, » — voyez ses Chansons des Rues et des Bois, — y sont affirmés avec une force, une confiance et une autorité singulières. A la vérité, ce n’était point qu’alors Hugo prétendît entreprendre une réhabilitation de Scarron ou de Saint-Amant, lesquels sans doute il n’avait pas plus lus que Ronsard ou que Du Bellay. Je ne dirai pas davantage qu’entre son prodigieux génie et le talent de l’auteur du Typhon il y eût des affinités naturelles ! Tout au plus ferai-je observer qu’avec d’énormes différences de style, rien ne ressemble davantage à Dom Japhet d’Arménie que le quatrième acte de Ruy Blas. Mais ce que je crois surtout qu’on peut dire, et ce qui est plus intéressant à constater que tout le reste, c’est cette renaissance du grotesque en des conditions et circonstances aussi différentes qu’il se puisse de celles qui avaient marqué le temps de sa première apparition. Et quand précisément, vers 1850, le mélange de « grotesque » et de « précieux » qu’a été le « romantisme » cessera d’être à la mode, alors, comme deux cents ans auparavant, ce sera « limitation de la nature » qu’on lui opposera.

Aussi bien n’est-ce pas seulement dans l’histoire de notre littérature