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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/696

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qu’on pourrait suivre, d’âge en âge, à travers ses alternatives de faveur ou de discrédit, le développement du burlesque, c’est dans les autres littératures de l’Europe moderne, et notamment dans celles qui se sont développées sous l’influence de la littérature italienne de la Renaissance. Et, en effet, Euphuisme en Angleterre, Gongorisme ou Cultisme en Espagne, Marinisme en Italie, le « précieux » et le « burlesque, » quelque définition qu’on en donne, ne sont pas des « faits historiques » particuliers, contemporains des circonstances particulières qui les ont vus naître, limités eux-mêmes, et bornés dans l’histoire aux frontières chronologiques de ces circonstances : ce sont des « faits littéraires généraux. » Un savant et spirituel jésuite, fort ami de Balzac, à qui son livre est dédié, le P. Vavasseur, a essayé de montrer, dans son De ludicra dictione, que le bon goût des Latins et des Grecs les avait généralement préservés de verser dans le « burlesque<ref> Francisci Vavassoris S. I. de ludiera dictione liber, in quo tota jocandi ratio ex veterum scriptis æstimatur. Un vol. in-4, Paris, 1658, Sébastien Cramoisy. </ef>. » Il y a, je crois, du vrai, dans cette opinion, et j’y souscrirais en partie, pour ce qui regarde les littératures anciennes, si ce n’était un certain Aristophane, dont l’atticisme est un peu mêlé ; mais, dans toutes les littératures de l’Europe moderne, à un moment donné de l’histoire, la maladie du « burlesque » et celle du « précieux » ont sévi. L’exemple ou l’autorité des anciens n’y peut rien !

Nous croirons donc que le « précieux » et le « burlesque » sont comme des crises par lesquelles il faut que passent les langues. Et cette crise, nous rappellerons en passant que le français ne s’est pas mal trouvé de l’avoir traversée : Molière lui-même et Boileau doivent certainement, — et on le prouverait, — plus qu’ils ne pensaient eux-mêmes à ces « beaux esprits, » et peut-être à ces « turlupins » qu’ils ont décriés. Nous verrons encore, dans le « burlesque » ou dans le « précieux, » des formes ou des procédés d’art, je dirai même toute une esthétique ; et si le premier article de cette esthétique consiste à croire que l’objet de l’art est l’ « embellissement » ou le « perfectionnement de la nature, » elle est donc presque platonicienne. Il est plaisant, mais d’ailleurs nullement paradoxal, si nous avons réussi à nous faire comprendre, que Scarron soit ainsi, de très loin, mais très authentiquement apparenté à Platon. Et peut-être enfin, dans le « burlesque » comme dans le « précieux, » faut-il voir plus que des