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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/705

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7 445 voix, alors que M. de Montjou en avait obtenu au premier tour 7 654, soit 209 de plus.

Jeux de cascade et non pas élections. C’est le malheur de ce qu’on appelle « la Raison » dans ce pays qui se dit le plus épris de raison du monde, de confiner, parfois, tout uniment à l’absurde.


II

Il n’est peut-être pas aussi téméraire qu’on veut bien le dire de rechercher les causes de cet accroissement de la majorité radicalo-socialiste. Le recul du temps manque, sans doute, encore pour les apprécier, mais il faut en politique savoir regarder vite et clair. L’historien pèse les faits quand leurs origines sont, depuis longtemps, mises à nu et quand leurs conséquences se sont, depuis longtemps, déroulées. Le politique, sans prétendre au rôle inutile et ingrat de prophète de l’avenir, est contraint de juger les faits au jour le jour, quitte à compter avec ses erreurs ; le difficile de sa tâche consiste en ceci qu’il doit se tailler à la hache un chemin au travers de la brousse ; s’il est un maître, il domine les événemens ; s’il est simplement sagace, il les utilise, s’il est aveugle, il se laisse écraser par eux.

Trois cent vingt mille jeunes gens, en chiffre rond, forment le contingent annuel de nos classes de recrutement. Ce sont donc également trois cent vingt mille jeunes gens environ qui sont annuellement ajoutés aux listes électorales. Ceux qui sont parvenus à la vie électorale de 1902 à 1906 sont nés de 1881 à 1885[1]. Ils ont donc été formés, instruits, façonnés au radicalisme par les générations nouvelles d’instituteurs et par elles dans l’école nouvelle qui commençait alors à porter tous ses fruits. En quatre ans ce sont ainsi, d’une part, 1 280 000 électeurs nouveaux qui pénètrent dans la vie nationale, et de l’autre plusieurs centaines de mille d’électeurs qui disparaissent, alors que, mûris par l’âge et par l’expérience, ils étaient moins sensibles aux idées nouvelles et certainement moins aisément « intoxicables. » Les rangs des électeurs qui avaient l’âge d’homme à l’époque de la Guerre et de la Commune commencent à s’éclaircir. Le travail incessant

  1. Ou plus exactement, pour le plus grand nombre d’entre eux, de 1878 à 1882, puisque, jusqu’ici, l’inscrit ne devenait généralement votant qu’à 24 ans, en raison des trois années de présence sous les drapeaux.