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auquel se livrent tant à la ville qu’à la campagne, tant à l’école qu’aux cours d’adultes, les organes de la libre pensée et du radicalisme, la propagande chaque jour mieux disciplinée et plus sûrement dirigée des feuilles avancées ont pesé d’un poids indiscutable dans les dernières élections. Il est certain, quelque inquiétant que cela puisse être pour l’avenir, que ce sont les jeunes gens qui ont, en grande partie, fait les scrutins des 6 et 20 mai dernier. Et, sans doute, est-ce en ce point que résidera la plus grande difficulté de la lutte de demain. Il ne peut en être autrement : à école rouge, élections rouges. Sans aller jusqu’aux factums de M. Thalamas ou de M. Gustave Hervé, chaque exemplaire des manuels d’histoire de nos modernes Loriquets, chaque opuscule de morale athée, irréligieuse ou antimilitariste qui sort des presses radicales accroît le nombre de nos Jacobins, en déformant la mentalité de nos « primaires. »

Et que ne promet-on pas aux appétits chaque jour plus excités de cette masse ardente ! Ici, délire budgétaire et surenchère électorale des 575[1] députés qui veulent conserver leur siège ; là, délire des aspirans législateurs qui, ne pouvant se réclamer de leurs votes d’hier, font miroiter leurs votes de demain : procureurs impitoyables ils requièrent en termes indignés contre la société qui ne s’est pas, jusqu’à ce jour, abandonnée à eux et chantent l’idylle de « l’humanité nouvelle » régénérée par leurs soins. Ainsi, la Chambre expirante a voté la loi de deux ans, la loi sur les bouilleurs de cru, la loi sur les retraites ouvrières, comptant toujours sur la prudence du Sénat pour raccommoder son œuvre hâtive et malfaisante. Elle se savait des tuteurs et peu lui importait de mourir sur des promesses auxquelles devait se prendre le corps électoral ! L’Angleterre a depuis longtemps obvié à cet inconvénient par la pratique très sage de la dissolution de la Chambre des communes, qui arrive rarement au terme exact de son mandat. Les pénibles révélations auxquelles le ministre des Finances a été amené au sujet du budget de 1907 font voir sans ambages vers quel abîme nous conduit, de gaîté de cœur, le député en mal de réélection. Un échec tel que celui de M. Motte à Roubaix et le succès de M. Jules Guesde nous apprennent, d’autre part, sans qu’il y ait sujet de s’en étonner, qu’il serait vraiment malavisé de s’arrêter dans la voie des chimères. Et

  1. La Chambre actuelle contient 410 députés qui faisaient partie de la précédente législature.