Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/779

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle conduit à des résultats qui, si on ne les interprète judicieusement, induisent en erreur. Prenons deux exemples caractéristiques : voici l’impôt sur le papier ; il est établi par des lois de 1871 et de 1873 et figure dans la colonne des impositions nouvelles pour 12 177 000 francs ; d’un autre côté, il est supprimé par une loi de 1885 et figure dans la colonne des dégrèvemens pour son produit d’alors, soit pour 14 400 000 francs ; c’est-à-dire que de ce chef on fait ressortir pour le même impôt 2 223 000 francs de plus à la suppression qu’à l’établissement ; ces 2 223 000 francs viennent fausser la comparaison globale des impositions nouvelles et des dégrèvemens : on paraît, de ce chef, avoir supprimé une somme d’impôt plus forte que celle qu’on a établie, alors qu’il n’en est rien. Voici un autre exemple qui est encore plus frappant : à la page 76 de l’Exposé, l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières (car il existe bien, cet impôt sur le revenu) avec différens droits accessoires figure, dans le tableau des impositions nouvelles, pour 34 297 000 francs seulement, parce que c’était le chiffre qu’on en attendait quand on l’établit. Or, dans l’année 1905, cet impôt a produit 85 839 000 francs, soit 51 millions de francs de plus que cette évaluation ; c’est à ce dernier chiffre, et non pas à celui de l’évaluation lors de sa création, qu’il faut estimer le poids de l’impôt. On pourrait multiplier ces exemples. La conséquence est considérable : ce n’est pas à 528 millions de francs (y compris les propositions de M. Poincaré pour 1907) que l’on doit estimer le surcroît d’impôts que supporte actuellement le peuple français par comparaison avec les années antérieures à 1870, c’est à 700 millions tout au moins. Il y faudrait joindre les considérables surtaxes locales. Peut-on dire qu’une gestion qui maintient après trente-six années de paix une surcharge aussi énorme, établie dans les jours des plus cruelles épreuves, ne soit pas une gestion calamiteuse et y a-t-il une apologie possible devant des faits regrettables aussi certains ?

Jetons maintenant un rapide coup d’œil sur les impositions nouvelles et les dégrèvemens effectués, particulièrement depuis 1880 et plus encore depuis 1890 ; nous verrons que ce double mouvement a eu pour but et pour effet de déplacer la base de la taxation, en la renfermant dans un cercle de plus en plus étroit, en y comprenant un nombre de contribuables de plus en plus restreint.