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sur le total de la « richesse acquise » que les 108 854 000 francs de taxes nouvelles vont être établis, mais sur une fraction seulement, la plus considérable, il est vrai, de cette richesse. Les 30 pour 100 de première aggravation des droits de succession, en effet, ne grèveront que les parts héréditaires supérieures à 10 000 francs, celles ne dépassant pas ce dernier chiffre en restant indemnes. Or, d’après les calculs de l’Exposé des motifs, les parts ne dépassant pas 10 000 francs représentent, comme valeur, environ le cinquième de l’ensemble des successions.

On évalue en général à un chiffre variant entre 27 et 30 milliards le revenu des Français : prenons 28 milliards qui paraîtrait plutôt un chiffre un peu inférieur à la réalité : d’autre part, la richesse privée des Français, en dehors des biens appartenant à la nation et aux communes, est estimée par les statisticiens judicieux à 220 ou 225 milliards de francs, sur lesquels 20 à 25 milliards représentent des mobiliers, des bijoux, des collections et autres objets d’usage ou de luxe, mais improductifs. Il reste ainsi 200 milliards en chiffres ronds qui sont productifs de revenu : à 3 un quart pour 100 net en moyenne, cela représenterait un revenu de 6 milliards et demi ; veut-on s’arrêter à un revenu moyen net de 3 et demi pour 100, ce qui est certainement un grand maximum, on aurait, pour l’ensemble de la « richesse acquise » en France, c’est-à-dire pour les capitaux de toute nature, meubles et immeubles, un revenu de 7 milliards de francs, chiffre sans doute exagéré ; en face de cette somme, il faudrait placer les revenus ne provenant pas de capitaux, à savoir les émolumens divers, les traitemens et les salaires. Voici donc, autant qu’on peut s’en rendre compte, la distribution des revenus en France : 6 et demi à 7 milliards pour les revenus de capitaux, 21 à 21 et demi milliards d’autres revenus de toutes sortes, dont les deux tiers environ de salaires.

Or, les 153 millions d’impôts nouveaux pour le budget de 1907, M. Poincaré les demande à concurrence de 108 millions et demi de francs, c’est-à-dire de plus des deux tiers, aux 6 et demi ou 7 milliards de revenus de capitaux et à concurrence de 44 millions de francs, non pas seulement aux 21 ou 21 milliards et demi de revenus divers, mais aux 28 milliards du total des revenus des Français, y compris les revenus de capitaux qui doivent aussi contribuer à ces derniers 44 millions. Bien plus encore, ce ne sont pas intégralement les 6 et demi