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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/788

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ou 7 milliards de revenus de capitaux qui doivent supporter la nouvelle charge de 108 millions, mais seulement les cinq sixièmes environ de ces 6 milliards et demi ou 7 milliards, puisqu’on a vu que le projet exempte de la surcharge les successions ne dépassant pas 10 000 francs, lesquelles constituent en valeur près du cinquième de l’ensemble des successions. Il faut donc considérer seulement, comme subissant toute cette charge nouvelle, les quatre cinquièmes de la fortune acquise et non pas la totalité. Ainsi, étant donné que les revenus des Français montent à 28 milliards environ, M. Poincaré, ayant besoin de 153 mil lions d’impôts nouveaux, en fait peser 108 et demi exclusivement sur moins de 6 milliards de francs et n’en rejette que 44 sur les 28 milliards de francs qui forment l’ensemble des revenus. Ne saisit-on pas toute l’inégalité et l’injustice de cette distribution ? la masse est quasi indemne et une minorité, une très faible minorité, va supporter tout le poids des taxes nouvelles.

M. Poincaré va nous dire lui-même, et avec la plus complète précision, combien est petite la minorité sur laquelle il fait peser la plus grande partie des taxes nouvelles. Il y a, pages 92 et 93 de l’Exposé des motifs du budget de 1907, un passage qui mérite d’être intégralement reproduit, tellement il exprime avec exactitude, on pourrait presque dire avec ingénuité, la nouvelle théorie fiscale, qui consiste à faire presque tout payer au tout petit nombre et à immuniser presque complètement le très grand nombre.

Voici ce passage très démonstratif : « Parmi les circonstances qui manifestent l’existence de cette fortune (la fortune acquise), l’ouverture des successions est celle qui échappe le plus difficilement aux recherches du Trésor, et il nous a paru possible d’accroître tout d’abord les tarifs édictés par les lois du 25 février 1901 et du 30 mars 1902. C’est bien la richesse formée qui sera atteinte puisque le principe de la déduction des dettes, introduit par la première de ces lois, assure la répartition équitable de l’impôt d’après l’importance réelle des parts. Nous vous proposons, du reste, de limiter aux parts supérieures à 10 000 francs la majoration des droits et de ménager ainsi la plus grande partie des héritiers ou des légataires. Il ne sera pas inutile, en effet, de faire remarquer que le nombre des parts inférieures à 10 000 francs représente une fraction très élevée du nombre total des parts : en 1902, sur 991 239 parts, 937 488 figurent dans cette catégorie, de sorte que la majoration n’eût