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porté que sur 53 751 parts ; en 1903, sur 1 011 305 parts, 946 152 eussent été exemptées : 6 pour 100 seulement des héritiers seront ainsi touchés par l’augmentation de 30 pour 1 00 que nous vous proposons. Nous ajouterons que la progressivité des droits sera maintenue à partir de 10 000 francs puisque tous les tarifs seront proportionnellement relevés. » Voilà qui est décisif ; 6 pour 100 seulement des contribuables seront atteints, l’aggravation d’impôts ne portera donc que sur une très petite minorité ; elle n’a par conséquent aucun inconvénient, politique s’entend. Telle est la théorie en cours

Encore M. Poincaré s’excuse-t-il d’avoir retenu une soixantaine de mille contribuables sur un million ; il aurait voulu mieux faire et n’en prendre qu’un plus petit nombre. Ecoutons-le encore (page 93 de l’Exposé des motifs), car tout cet exposé est vraiment précieux : « L’importance même de cette somme qui nous était indispensable pour l’équilibre du budget et le petit nombre relatif de parts successorales appelées à la fournir expliquent pour quels motifs nous avons dû surtaxer toutes les parts supérieures à 10 000 francs. Si l’on se réfère aux résultats de 1904, à défaut de renseignemens suffisans pour 1905, on constate que, si l’on surtaxait seulement les parts supérieures à 50 000 francs, le produit de l’impôt fléchirait de plus de 15 millions et demi ; en ne taxant que les parts supérieurs à 100 000 francs, la diminution serait de 22 millions et demi et, déjà dans ce dernier cas, la majoration devrait être portée à près de 50 pour 100, au lieu de 30, si l’on voulait obtenir une ressource de 60 millions. »

La tendance de la nouvelle fiscalité est ici très nettement accusée ; il s’agit de concentrer l’impôt, en en exemptant le plus grand nombre, sur des têtes choisies. M. Poincaré croit agir avec beaucoup de modération en retenant 6 pour 100 des contribuables, tandis qu’il eût pu n’en retenir que 2 pour 100 ou 1 pour 100 ; mais alors la base de taxation eût été tellement étroite et le poids si écrasant que le ministre a reculé, laissant à un de ses successeurs le soin d’être plus audacieux, plus téméraire plutôt, et plus logique.

Dans cette voie, on glisse rapidement à la confiscation et, quoi que pense M. Poincaré, il y est déjà arrivé. On est déjà bien loin, à l’heure présente, de la vicesima hæreditatum, le vingtième des héritages, taxe établie par Auguste, laquelle, dans l’état de choses le plus fréquent au cours de la civilisation, jusque