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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/800

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du 12 juillet dernier lui a valu les applaudissemens presque unanimes de la Chambre et lui a même procuré une sorte de triomphe oratoire. D’une part, le. grand talent de parole du ministre, d’autre part la manifeste ignorance de la Chambre en ces matières et, on peut le dire, sa naïveté sont les causes de cet accueil. Quand il va falloir préciser et surtout appliquer ce plan séducteur, on s’apercevra bientôt que les difficultés sont inextricables. Elles tiennent aux antécédens de notre pays, aux impôts déjà existans et que l’on veut maintenir, aux habitudes, aux préventions, à la violence des partis politiques et des divisions locales, enfin et surtout à la distribution et à la dissémination de la richesse dans toutes les couches de la nation, ce qui distingue profondément la France de l’Angleterre et même de l’Allemagne,

Ne nous arrêtons qu’à deux des principales difficultés : la première est la question de la taxation de la rente française ; nous ne sommes pas de ceux qu’effraie l’imposition de la rente française ; nous nous sommes souvent élevé contre l’immunité dont elle jouit ; mais il y a une sorte de préjugé général, qui s’appuie d’ailleurs sur quelques textes et sur nombre de déclarations officielles en faveur du maintien de cette immunité ; or, quel que soit le système d’impôt général sur le revenu que l’on adopte, cédulaire ou global, il est impossible de n’y pas assujettir la rente française. En premier lieu, si on la maintenait indemne, on commettrait une manifeste iniquité ; en effet, l’impôt sur le revenu est destiné, au moins on le proclame, à remplacer deux contributions que l’on prétend supprimer pour le compte de l’État : la contribution personnelle et mobilière et celle des portes et fenêtres ; si l’on faisait cette suppression en exemptant de l’impôt nouveau les propriétaires de rentes françaises, on déchargerait ceux-ci d’impôts qu’ils paient actuellement sans rien leur demander comme compensation ; ce serait une révoltante injustice. En second lieu, l’imposition de la rente française est absolument nécessaire pour assurer le recouvrement de l’impôt sur les autres valeurs ; autrement, une personne vivant très largement pourrait toujours se soustraire à l’impôt en prétendant qu’elle a toute sa fortune en rentes françaises et rien ne lui serait plus facile, aux époques de la mise en assiette de l’impôt, que de mettre ses autres valeurs en report en bourse et de prendre elle-même en report des rentes françaises. L’imposition