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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/849

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la chaleur d’un soleil de plomb jusqu’à la rendre insupportable. A pied, nous faisons le tour de l’enceinte, par le glacis, côtoyant les douves, larges et profondes, jadis célèbres par les crocodiles qui vivaient dans leurs eaux. La sécheresse qui sévit depuis plusieurs années les a taries à tel point que, par endroits, le fond du fossé n’est qu’un bourbier entrecoupé de flaques où des oiseaux de toutes sortes circulent parmi les joncs. Des petites aigrettes blanches, des poules d’eau, déambulent sur les larges feuilles des nénufars, des guêpiers verts et bleus chassent aux insectes le long des parapets, se poursuivent entre les créneaux où une chouette, perchée sur un merlon, et semblant faire corps avec la pierre grise, sommeille sans s’occuper des éternels rats palmistes qui jouent à cache-cache dans les meurtrières.

De la fausse-braie et de ses tours à mâchicoulis les débris jonchent le fossé. Le rempart et ses tours bastionnées, de meilleure étoffe, ont résisté au temps, mais ou y compte plus d’une brèche. La conservation des monumens historique, l’Archeological Survey, a un peu négligé ses devoirs. L’ingénieur du district n’est point passé par là depuis longtemps. Sur mon exclamation désespérée, l’Aide collecteur me promet d’en écrire le jour même à qui de droit. Et je me console en pensant que ma visite à Vellore aura été utile à quelque chose. Si cela devait continuer, la fameuse citadelle ne serait bientôt plus qu’un amas de ruines. A l’action du temps, au vandalisme, s’ajoutent les progrès impitoyables de toute cette végétation parasite qui, à la faveur de l’humidité des douves, prospère entre les pierres, les écarte, les renverse, tandis que les phénomènes d’érosion activés par l’ardeur continue de ce soleil de feu, exagérés par la violence intermittente de pluies diluviennes, s’attaquent à la matière elle-même et réduisent en poudre la roche dure. Et c’est pourquoi les monumens de l’Inde tombent et disparaissent avec une si grande rapidité, pourquoi tous sont d’une antiquité si médiocre, quoi qu’en disent les légendes, encore plus modernes qu’eux, d’ailleurs.

Les ruines les plus vénérables de l’Inde dravidienne ne remontent guère au delà du XIVe siècle de notre ère. Il est à peu près certain que les parties les moins récentes de la forteresse de Vellore datent à peine du XVe. Leur origine est certainement fabuleuse. On l’attribue à un prince de Bhadrachalam,