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productions italiennes du XVe siècle. Prenez, entre autres, les classiques bas-reliefs de Donatello où des génies enfans courent, entrelaçant leurs bras, dansant, se jouant, sur une frise à compartimens soutenue par des corbeaux qui répondent chacun à deux des colonnes du portique. Comparez ces ensembles et leurs détails avec ceux de telle porte de Tanjore où des bayadères forment rampe à un balcon avec leurs bras entrelacés !...

N’était cette obligation purement liturgique qui astreignit toujours les artistes hindous à donner aux divinités des proportions colossales quand elles sont mêlées aux figures simplement humaines, leurs œuvres ne seraient souvent pas inférieures, au moins en harmonie, à celles de leurs inspirateurs occidentaux. On sait très bien que les Italiens ont travaillé en Inde dès la fin du XVIe siècle, sinon avant, et cela, non seulement dans le Sud, mais encore dans le Bengale, plus au Nord même. Le Taj d’Agra, à défaut d’autre intérêt, présente celui d’avoir été fabriqué par des marbriers et des mosaïstes d’Italie. Le nom d’un architecte français ou savoyard, Augustin de Bordeaux, a été cité par des auteurs qui, pour ne nommer que Fergusson, sont tenus pour autorités en la matière. Quant à la forteresse de Tanjore, les dates, un tant soit peu postérieures, sont encore plus explicites. Elle fut construite par le roi Vijaga Raghava, le dernier Nayaka de sa dynastie, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, en un temps où le Mysore était largement ouvert aux Européens. Les Jésuites y avaient pris bonne position. Ils ne refusaient ni leurs conseils ni leurs services aux souverains accueillans. Ingénieurs, architectes, fondeurs de canons, imprimeurs, astronomes, ces missionnaires étaient d’actifs agens de civilisation. Pour les ouvriers italiens, chercheurs d’aventures qui, dès le XIIIe siècle, avaient pénétré jusqu’auprès du Khan de Tartarie, le prêtre Jean asiatique, et façonné pour lui « une fontaine d’orfèvrerie surmontée d’un ange en argent qui sonnait de la trompette, » ils trouvaient facilement à se faire embaucher par les rajahs des Grandes Indes, avec leurs outils, leurs croquis et leurs recueils de poncifs. J’ai jadis publié des notes sur ces recueils à l’usage des armuriers, qui, dès le XVIe siècle, étaient copiés et surtout dénaturés par les Japonais dont les harnois de guerre n’ont d’ailleurs été, à partir du XVe siècle, que des répliques médiocres de nos vieilles armures portées sur les galères...

Marquons un temps, et nous en retournons vers Vellore.