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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/853

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Cette digression archéologique m’en a tant soit peu éloigné. Aussi bien ne me suis-je attaché à cette forteresse que pour en étudier et le caractère, et l’histoire, et ses rapports avec ses pareilles.

Les figures de la frise de Vellore, par la solidité de leur facture, indiquent la belle époque et certainement la main de ces fameux tailleurs de pierre tanjorais, célèbres depuis plus de quatre siècles dans toute l’Inde du Sud. Le défilé des taureaux, des éléphans, des chevaux, les enlacemens compliqués des divinités pouraniques, les scènes rituelles qui illustrent avec une lubrique et magnifique exactitude l’histoire de la déesse Mariammin, le prouvent surabondamment. Nous sommes loin des appliques disproportionnées qui revêtent les gopuras des pagodes aux environs de Pondichéry.

Si les musulmans, quand ils occupèrent Vellore, ne détruisirent pas ces images de pierre grise, c’est qu’ils craignirent, peut-être, en attaquant l’œuvre en surplomb, de tomber dans le fossé où vivaient en paix ces crocodiles fameux « d’une grandeur énorme » dont parlait en 1736 le Révérend Père Saignes à Mme de Sainte-Hyacinthe, dans Les Lettres édifiantes et curieuses, et qu’il avait vus de ses yeux. Les gens d’Hyder-Ali ne se firent point faute pourtant de ravager les environs de Vellore. Le souvenir du père de Tippou ne passera non plus que la désolation du désert qu’il créa en brûlant tout sur un rayon de dix milles. Jamais le pays ne s’en est relevé. L’importance considérable de Vellore au point de vue stratégique le condamnait d’ailleurs à un ravage continu. Pendant trois siècles, vainqueurs et vaincus l’ont rançonné, pillé, dévasté, sans merci.

Occupée, le XVe siècle durant, par les rois de la dynastie Chola, puis au XVIe par ceux de Vijianagar dont le plus illustre fut ce Krishnadeva Raja qui se tailla dans l’Inde du Sud un royaume égal en surface à la présidence actuelle de Madras, la place fut conquise au milieu du XVIIe siècle, pour les musulmans de Golconde, par Shadji Rao, commandant du contingent de Bijapour, et père du célèbre Sivadji. Les princes de Golconde gardèrent Vellore pendant une quarantaine d’années, puis ils durent l’abandonner aux Mahrattes de Tukoji Rao, après ce siège de 1677 où succomba Abdullah Khan. Mais la domination des Mahrattes fut encore plus éphémère. Le siècle n’était pas révolu qu’ils se voyaient chassés du Carnate par un lieutenant de l’empereur