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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/855

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rival Chunda-Sahib, victime de l’incapacité de notre général, Law, qui a succombé devant Trichinopoly. Mortiz-Ali, aussi célèbre par ses crimes que par ses richesses, est le nabab nommé de Dupleix qui lui a vendu, à haut prix, l’investiture. Cette investiture, Dupleix a acquis du soubab du Deccan, Salabat-Sing, mandataire de l’empereur Ahmed-Shah, le droit de la conférer. S’il a choisi Mortiz-Ali, c’est que Dupleix compte sur ses prochaines levées de troupes pour tenir tête aux Anglais victorieux, et sur ses ressources d’argent pour donner du cœur aux Mahrattes de Morari-Rao et aux Mysoricns de Virana.

Le choix de Dupleix ne fut pas extraordinairement heureux. Si, profitant de notre victoire de Tiruvadi sur les Anglais, Mortiz-Ali défit les troupes de son compétiteur Mohammed-Ali, il se laissa bientôt battre complètement à Tirnamalé, et, voyant notre étoile pâlir, il nous abandonna avec une cauteleuse sagesse. Quand Dupleix fut rappelé en France, Mortiz-Ali s’empressa de faire sa soumission au nabab des Anglais, Mohammed-Ali ; après quoi, il se retira prudemment dans sa forteresse de Vellore et n’en sortit plus.

La place lui était depuis longtemps familière. C’était à Vellore que, sous des habits de femme, il s’était réfugié, treize années plus tôt, lors de la révolte qui suivit la mort de son beau-frère, le nabab Soufder-Ali, assassiné par ses ordres le 2 septembre 1741, et dont il avait usurpé le titre. Vellore lui avait encore donné asile lorsque, après le meurtre du jeune Mohammed- Khan, fils de ce Soufder-Ali, meurtre auquel Mortiz-Ali ne fut rien moins qu’étranger, il s’était échappé de la cour du soubab avec un parti de cavalerie.

La réserve que garda le gouverneur de Vellore après le départ de Dupleix ne l’empêcha pas longtemps d’être molesté par les Anglais. Comme ils avaient besoin d’argent pour leur nabab Mohammed Ali, ils trouvèrent tout naturel de mettre la main sur les trésors de ce Mortiz-Ali, qui passait pour être l’homme le plus riche de tout le Carnate. Et, sous le vague prétexte de tributs arriérés à récupérer, sans sommation régulière, les autorités de Madras envoyèrent le major Killpatrick, à la tête de cinq cents Européens et de quinze cents cipayes, dans la direction de Vellore. Cette armée qui, avec ses convois et ses non-combattans, devait bien être de vingt mille âmes, s’établit sous les murs le dernier jour de janvier 1756, et y apprit cette nouvelle qu’un