Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/863

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux autres hommes du monde, honneur de Pondichéry, dont les bonnets à carre en demi-cercle obliquement incliné devraient être proposés en exemple au Carnate et au Deccan tout entiers.

Ce que la crapule, la turpitude, la fausseté, la lâcheté, et quelques autres qualités de pareil ordre peuvent ajouter à la noblesse de l’attitude, concourait à orner ce rajah que le gouvernement britannique garde en chartre privée dans l’ancienne résidence des derniers descendans de Tippou-Saïb. Le colloque, entre l’assistant collecteur du district et le souverain pensionnaire de la couronne, me parut, à ce que j’en pus saisir par mon trucheman Cheick-Iman, absolument dénué d’amitié. Le nez baissé, le tchatria interné écouta l’allocution du représentant de l’autorité. Puis il nous salua, plus bas qu’il n’était nécessaire, et rentra sous son mandapam, toujours suivi par son « ministre » et quelques dignitaires qui me firent l’effet d’être plutôt ses gardiens.

Ainsi me fut-il donné de voir le type traditionnel du radjpoute abruti par l’ivrognerie et tombé en tutelle du « Civil Service, » qui lui ménage moins les réprimandes et les punitions que l’argent. Il y aurait un livre à écrire sur les roitelets besogneux, descendus au plus bas degré de l’abjection et que l’Angleterre doit prendre en garde jusqu’à ce que l’intempérance et les autres excès les envoient dans le paradis de Çiva, au défaut de celui d’Indra où n’étaient admis que ceux de leurs ancêtres, tombés les armes à la main. Vous apprendrai-je que, sous ce nom général de Radjpoutes, vivent encore dans l’Inde du Sud quantité de ces envahisseurs anciens, d’origine plus ou moins indo-scythique, qui appartiennent à cette catégorie clairsemée des Tchatrias ou guerriers, débris de la caste puissante issue des bras de Vichnou, s’il en faut croire le Purusa-Sukta ? Vichnou cependant détruisit ces fils de sa propre substance, sur la prière de Brahma, parce qu’ils exerçaient la plus dure des tyrannies sur le monde. Que l’on s’en rapporte aux Brahmes, et ils se chargent de vous prouver que les Tchatrias historiques ne seraient même que des bâtards, issus des femmes survivantes de la caste détruite, passées à la condition de concubines des seuls Brahmes.

Quoi qu’il en soit de cette victoire probable de la théocratie sur la prépotence d’une caste guerrière, les Tchatrias actuels du Carnate, ou soi-disant tels, se parent du nom de radjpoutes, non point qu’ils viennent du Radjpoutana, mais parce que cette