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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/901

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merci d’une dénonciation des « chasseurs de curés. » A partir de 1778, ce Code pénal, « fruit de la sécurité, » disait Burke, « non de la crainte, » s’abroge peu à peu par morceaux ; c’est alors la fin des grandes persécutions, sinon des efforts secrets ou patens du prosélytisme protestant. Pour la première fois depuis la Réforme, le catholicisme irlandais trouve à la fin du XVIIIe siècle un peu de calme et de tranquillité : dès lors nous le verrons se relever et s’épanouir. Mais suivons d’abord l’histoire de l’Église officielle et « établie, » de « l’Église d’Irlande, » pour lui donner son nom statutaire.


I

L’ « Eglise d’Irlande » est encore à la fin du XVIIIe siècle, et pendant une partie du XIXe , souveraine en Erin. Elle est l’Eglise de la minorité gouvernante, le rempart de la « garnison, » la forteresse avancée de l’Angleterre en Irlande. Soumise au Parlement pour son formulaire et sa discipline, à la Couronne pour le choix des évêques, elle constitue l’une des premières puissances de l’Etat, puissance plus séculière que spirituelle : ses pasteurs, oublieux de leur mission évangélique, se sont faits les agens politiques du gouvernement. Emblème et instrument de l’oppression anglaise, l’ « Etablissement, » comme on l’appelle, comblé par les rois du produit des confiscations, riche des dépouilles de l’Église de Rome, extorquant de plus — au prix de quelles exactions ! — la dîme des paysans « papistes, » pèse d’un poids terrible sur l’Irlande catholique ; il est haï même par les presbytériens. Ses revenus annuels atteignent encore en 1868 la somme brute de sept cent mille livres sterling, dont plus de moitié en dîmes. Fatalement, l’excès des richesses a engendré les abus. Les hauts dignitaires sont comblés et oisifs, le bas clergé vit à peine. Moitié des « bénéficiers, » avec des revenus variant de huit cents à trois mille livres sterling, sont absentéistes. En 1809, il y a encore 199 paroisses où ne se trouve pas un protestant, et 107 où il n’y a de protestans que deux ou trois familles en moyenne, dont celles du parson et du sacristain. Eglises et cathédrales, çà et là, ‘tombent en ruines. Voilà l’Eglise que Macaulay en 1845 définissait « de toutes les institutions du monde civilisé la plus absurde, » et dont un député protestant allait bientôt dire