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comme en Angleterre une feinte imitation, a sham imitation ! »

Tout cela tend, on le conçoit, à relâcher les liens naturels qui jadis associaient l’Église d’Irlande à l’Église d’Angleterre, et à accentuer l’isolement où en est réduite aujourd’hui l’Église désétablie, entre les catholiques qui ont pour eux le nombre, les dissidens qu’elle n’a pu se concilier, et l’Église d’Angleterre dont la sépare un différend trop profond. Les évêques ont beau célébrer, quant à eux, la « catholicité » de leur Église, — l’Église historique d’Irlande, disent-ils, vieille de quinze siècles, l’héritière directe de saint Patrick et des premiers apôtres, — son particularisme se fait sentir de plus en plus à ses membres. Impérialistes et unionistes en politique, ils ont été home rulers et nationalistes en religion, et de leur indépendance est né leur isolement. Effet du même esprit : paroisse ou diocèse, chaque unité tend à s’isoler de l’ensemble, l’Épiscopalisme se teinte de congrégationalisme, l’unité de l’Église et l’intérêt commun ne semblent plus s’imposer. Ajoutons que la situation sociale des principaux soutiens de l’Église d’Irlande, des landlords, qui sont presque seuls à subvenir aux frais du culte, est fort menacée : non seulement les lois et guerres agraires ont réduit leurs ressources, mais la législation nouvelle sur le rachat des terres les porte de plus en plus à quitter le pays, avec leurs familles et leurs cliens ruraux, une fois leurs domaines vendus aux paysans. Les campagnes se vident et se videront de plus en plus de protestans. Dès à présent le nombre des paroisses et des diocèses excède les besoins d’une population de fidèles réduite : pourra-t-on « amalgamer » les paroisses sans créer des circonscriptions où l’énormité des distances rendra tout service impossible ? Voudra-t-on renoncer à cette organisation paroissiale à laquelle pour tant de raisons historiques et politiques l’Eglise d’Irlande a toujours attaché tant de prix ? Quoi qu’on fasse, ce ne sera pas une tâche aisée que de faire vivre en Irlande, l’Ulster et les villes exceptés, une Église qui, par la force des choses, paraît vouée à perdre de jour en jour ses propres ouailles.

N’en regagne-t-elle pas, dira-t-on, d’autres par ailleurs, sur les catholiques ? Officiellement, elle ne s’adonne plus aujourd’hui à l’œuvre d’évangélisation des Papistes irlandais, elle l’abandonne à un certain nombre de sociétés spéciales de prosélytisme que