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et la déchéance officielle subie par l’épiscopalisme en Irlande a pour contre-partie l’épanouissement du catholicisme irlandais depuis cent ans.


II

Le catholicisme, au sortir des lois pénales, était comme paralysé. Point d’églises, elles ont été prises ou détruites par les protestans ; des « chapelles » sans croix, ni cloche, ni clocher, masures cachées dans les ruelles écartées des villes, hors des regards intolérans de la « garnison » protestante, simples cabanes aux murs de boue séchée dans les campagnes, au sol de terre battue, trop petites pour contenir les fidèles dont la moitié reste à genoux devant la porte. En maint village, on dit la messe en plein air, sur la place. Bien avant dans le XIXe siècle, il n’y avait encore qu’une « chapelle » catholique à Belfast. Un jour à Callan, pendant le saint sacrifice, le toit de la chapelle cède, les hommes en soutiennent le poids sur leurs épaules jusqu’à la cérémonie terminée. Le clergé tout entier reçoit son éducation sur le continent, dans les collèges de Louvain, de Paris, de Douai, de Salamanque, où règne un esprit traditionnel d’obéissance aux lois et aux autorités établies ; loyaliste et conservateur, ferme devant la persécution, il souffre sans révolte, toujours frémissant à la crainte de provoquer de nouvelles tyrannies ; il hait la Révolution française et combat énergiquement l’insurrection des United Irishmen en 1798.

Quel contraste aujourd’hui, et comment dire l’impression de puissance libre et forte qui ressort de toutes les manifestations extérieures du catholicisme irlandais ! Sur 2 418 églises, pas une peut-être qui n’ait été bâtie depuis un siècle. Partout de somptueuses cathédrales, décorées, on regrette de le dire, dans un assez mauvais goût italien ou munichois, et dont on serait tenté de trouver les dimensions excessives, la richesse hors de proportion avec la misère du pays, si l’on ne se disait qu’elles sont le seul luxe que se donne l’Irlande et que la piété du peuple y met toute sa gloire. Dès 1825, Dublin avait son église métropolitaine dans Marlborough street, à peu de distance de ces célèbres cathédrales gothiques de Saint Patrick’s et de Christ Church demeurées aux mains des protestans. Chaque village