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mers, comme celle de l’Irlande primitive avait été d’instruire dans la foi les nations du continent européen. L’Irlande a fourni au XIXe siècle à l’Australie tout son clergé, sans en excepter l’éminent archevêque de Sidney, le cardinal Moran. Elle a présidé à l’enfance de l’Eglise catholique aux Etats-Unis, elle fournit encore aujourd’hui de prêtres tout l’Ouest américain, et la liste des dignitaires de l’Eglise de Rome en Amérique est encore presque exclusivement composée de noms irlandais, depuis celui de S. E. le cardinal Gibbons jusqu’à celui de Mgr Keane, archevêque de Dubuque. Nation missionnaire par excellence, l’Irlande a mérité ce nom de « mère de toutes les Églises du monde anglo-saxon, » elle a rempli héroïquement, par ses prêtres du XIXe siècle comme par ses moines du vue, cette fonction suprême de l’apôtre : peregrinari pro Christo.

Fidèle servante du Saint-Siège, elle jouit aujourd’hui chez elle, dans l’exercice de la religion catholique et romaine, sous le gouvernement anglais et protestant, de la tolérance la plus large. L’Etat sans doute ne fournit au culte nulle subvention, exception faite pour la petite dotation de Maynooth. Le curé irlandais vit des contributions que lui paient ses paroissiens à Pâques et à Noël et auxquelles s’ajoutent les droits pour messes et cérémonies[1], et il est bien payé, eu égard surtout à la pauvreté qui l’entoure. Il n’est éligible à aucune assemblée politique ou fonction publique ; il ne saurait porter extérieurement la soutane, ce qui a peut-être cet avantage de le rapprocher naturellement du peuple. Ceci dit, il est maître chez lui, le culte est libre de toute restriction légale ou policière, et nulle part le bras séculier ne respecte davantage la religion et ses ministres : un tel exemple de tolérance, venant du gouvernement protestant, — et fort s’il en fut, — d’un pays qui comme l’Irlande reste à tant d’égards encore un pays conquis, n’est-il pas instructif, et

  1. Il est assez malaisé de savoir à combien se montent ces « contributions » paroissiales annuelles. L’évêque de Raphoe les évaluait, il y a quelques années, à une moyenne de 6 à 7 shillings par famille dans les régions très pauvres de l’ouest. Mgr Perraud, en 1862, estimait le traitement annuel moyen d’un vicaire à 80 livres sterling., celui d’un curé à 200 liv. st., celui d’un évêque à 500 liv. st. (Études sur l’Irlande contemporaine, II, 492. — Cf. Financial Relations Commission, Evidence, I, 170). Une part proportionnelle du produit des contributions annuelles est versée par le curé à son vicaire ou à ses vicaires ; en outre, chaque curé verse une subvention annuelle à son évêque, lequel jouit en outre du revenu de deux paroisses dont il est officiellement le curé et qu’il fait gérer par un administrator.