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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/924

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gaélique, pour déclarer qu’il faut remettre tout effort économique à l’heure qui suivra le rachat général des terres ou l’obtention du home rule, voici dans son sein toute une génération nouvelle et pénétrée des idées nouvelles, très différente de celle qui l’a précédée et qu’illustrait si bien le Father Dan de My new Curate, une génération active et énergique, mieux instruite et mieux outillée pour son rôle social, et qui fournit aujourd’hui des leaders aux deux grands mouvemens de la régénération irlandaise.

Les précurseurs n’avaient d’ailleurs pas manqué, au sein même du clergé. Maynooth, où pendant trente ans la chaire de langue irlandaise s’était vue négligée, eut l’honneur de former l’un des premiers promoteurs de la renaissance gaélique dans la personne de feu l’abbé O’Growney, comme l’un de ses principaux artisans actuels dans celle de M. l’abbé O’Hickey ; tous deux ont remis l’irlandais en honneur au séminaire, et il y a déjà bon nombre d’années que de tous les jeunes lévites de Maynooth, il n’y a pas un qui ne soit un enthousiaste du langage gaélique et de l’idée de la régénération gaélique. — De même, je ne crois pas qu’après Horace Plunkett personne ait fait davantage pour préciser et propager les idées maîtresses du nouvel esprit économique que le Père Finlay. Par toute l’Irlande, les « Frères chrétiens, » de l’ordre fondé en 1802 par Ignatius Rice, le De la Salle irlandais, se sont faits à côté du clergé paroissial les pionniers des idées nouvelles. L’éducation se désanglicise peu à peu dans ces centres d’anglicisation qu’étaient les collèges congréganistes et les couvens. Les évêques favorisent le mouvement gaélique, où ils voient un auxiliaire dans la lutte pour la foi, ils sont les plus actifs soutiens du mouvement économique. Partout le clergé met lui-même la main à la pâte : il fonde des classes et des associations gaéliques, des industries nouvelles, des caisses rurales et des syndicats. À Ballina, c’est un vicaire de campagne, Father Quinn, qui établit une fabrique coopérative de chaussures ; à Castlebar, c’est M. le curé Lyons qui organise une société de force électrique ; à Foxford, ce sont les Sœurs de la Merci qui fondent un tissage et réalisent des prodiges en relevant la condition des tenants cinq lieues à la ronde. Seul avec la sœur de charité, le prêtre sait se faire entendre du paysan irlandais, lui faire rompre avec les vieux usages, lui faire désirer le progrès en le lui faisant comprendre : seul il est écouté parce qu’il est désintéressé.