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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/942

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pourtant un scrupule de répudier une princesse qu’il respectait d’autant plus qu’il sentait qu’elle avait plus de torts à lui pardonner. Il avait donc résolu de la garder pour femme, et de trouver, au plus vite, une fiancée pour son frère Jacques. Celui-ci, de son côté, tout en s’accommodant fort bien de son veuvage, était trop loyal sujet pour refuser de se rendre au désir de son frère : il avait seulement exigé que sa seconde femme, d’où qu’elle pût lui venir, possédât une qualité dont il avait toujours déploré l’absence chez la première. « Se piquant d’être bon mari, — écrivait, à ce propos, le ministre français Pomponne, — le duc d’York ne veut épouser qu’une belle femme. »

Aussi s’était-on occupé de dresser une liste de toutes les princesses qui, aux quatre coins de l’Europe, avaient quelque chance de remplir cette condition. On avait découvert d’abord onze de ces princesses ; mais cinq d’entre elles, pour des motifs divers, n’avaient point tardé à être éliminées, de telle sorte que la liste définitive n’en comprenait plus que six : l’archiduchesse Claudie-Félicité d’Inspruck, la princesse Éléonore-Madeleine de Neubourg, la princesse Marie-Anne de Wurtemberg, la princesse Marie-Béatrice de Modène, la duchesse de Guise, et Mlle de Retz. Il s’agissait à présent de les examiner discrètement, l’une après l’autre, de comparer leurs mérites, et d’en choisir une : mission infiniment grave et délicate, qui fut confiée, en février 1673, à l’un des plus fidèles serviteurs du duc d’York, Henri Mordaunt, deuxième comte de Peterborough.

De toutes ces princesses, le parti le plus désirable pour le duc d’York était, à coup sûr, l’archiduchesse autrichienne : il n’y avait pas une Cour où n’eût pénétré le renom de sa fraîche, légère, et charmante beauté. Malheureusement, elle était trop belle : et l’on savait aussi que l’empereur Léopold avait résolu d’en faire une impératrice, aussitôt que la grâce du ciel l’aurait rendu veuf. C’est cependant vers elle que se dirigea d’abord Peterborough, « avec des joyaux d’une valeur de vingt mille livres sterling, pris par le duc d’York dans son propre cabinet. » Mais, en débarquant à Calais, le négociateur apprit que l’impératrice venait de mourir, et que déjà Léopold avait proclamé son intention « d’avoir pour lui-même la belle princesse. » La liste des fiancées possibles se trouvait ainsi réduite à cinq ; et Peterborough recevait d’Angleterre un nouvel ordre : « d’essayer de voir ces princesses, ou tout au moins leurs portraits, et d’envoyer à Londres la relation la plus impartiale de leurs manières et dispositions. »

A Paris, Peterborough vit d’abord la duchesse de Guise, fille cadette de Gaston d’Orléans. Le duc d’York, qui la connaissait déjà,