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n’en avait pas conservé un très bon souvenir ; et le fait est qu’elle se trouva être « basse de taille, mal conformée, » en un mot impossible. Une autre des jeunes filles de la liste, Mme de Retz, était à la campagne ; et Peterborough, d’après tout ce qu’il entendit d’elle, ne crut pas devoir entreprendre le petit voyage qu’il aurait eu à faire pour la mieux étudier. En revanche, la princesse Marie-Anne de Wurtemberg séjournait alors à Paris. Peterborough s’empressa d’aller lui présenter ses hommages, dans le couvent où, depuis la mort récente de son père, elle s’était retirée. Elle était « de taille moyenne, d’un joli teint, avec des cheveux bruns, un visage tourné très agréablement, des yeux gris, une expression de regard grave, mais douce, et, dans toute sa personne, les mouvemens d’une femme de qualité et d’éducation ; mais, surtout, elle avait l’apparence d’une jeune fille dans toute la maturité de son développement, douée d’une constitution vigoureuse et saine, capable de mettre au monde des enfans robustes, et tels qu’ils auraient chance de vivre et de prospérer. » Et Peterborough ajoute que, « bien qu’il y eût beaucoup de modestie dans toute sa conduite, elle n’était point, pourtant, avare de ses discours. »

Tout cela, sauf peut-être le dernier trait, aurait sans doute convenu au duc d’York ; mais le choix de la princesse de Wurtemberg déplaisait à Louis XIV, qui, dès le début, s’était fort intéressé aux projets de mariage de son cousin anglais. Quant à la princesse Marie-Béatrice de Modène, dont Peterborough avait vu un portrait chez le prince de Conti, et qui, à en juger par cette image, lui avait paru « une lumière de beauté, » le chargé d’affaires à Paris de la cour de Modène lui avait malheureusement déclaré que cette jeune princesse, avec le consentement de la régente de Modène, sa mère, avait formé le vœu de ne se jamais marier, et d’entrer au couvent. Si bien que, au sortir de son entrevue avec Marie-Anne de Wurtemberg, Peterborough eut à se mettre en route pour Dusseldorf, où demeurait, avec ses parens, la princesse Éléonore-Madeleine de Neubourg.

Le duc de Neubourg, qui n’ignorait ni sa qualité, ni l’objet de sa visite, tint pourtant à respecter son incognito. De la façon la plus comique du monde, il fit tomber la conversation sur les démarches matrimoniales du duc d’York, et sur le bon M. de Peterborough, qui en était chargé. Où se trouvait, à cette heure, ce digne gentilhomme ? Et était-ce vrai, comme on l’avait dit, que le duc d’York, faute de pouvoir épouser l’archiduchesse d’Inspruck, allait se marier avec une dame anglaise ? Mais peut-être le touriste anglais aimerait-il à faire