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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/187

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à prendre conscience d’elle-même. Instruite par le passé, formée à ses disciplines précises, elle en a mis au point tous les procédés utiles pour le contrôle de ses propres recherches. Elle est aujourd’hui en pleine activité.

Pour nous en rendre compte, pénétrons dans un de ses laboratoires, à la Salpêtrière ou à Sainte-Anne.


V

D’abord, le malade est traité médicalement : la vie du corps, dans toutes ses fonctions, de toutes les manières, est étudiée, analysée, décrite. Les altérations ou modifications fonctionnelles, les changemens mécaniques, chimiques, toutes les variations organiques sont notées, classées, constituant comme autant de petites monographies. Les antécédens, les hérédités, les événemens biographiques qui ont précédé les crises sont recherchés et contrôlés. Dans l’‘« observation » qui compose le dossier du sujet, vous trouverez un paragraphe ou un chapitre consacré à la nutrition, un autre à la circulation, un troisième à la tonicité musculaire ou aux phénomènes d’excrétion et de sécrétion.

Ensuite, le malade est étudié psychométriquement : nous pouvons nous croire ici dans un de ces « cabinets de physique » que nous avons vus en Allemagne. Nous retrouvons, perfectionnés et multipliés, tous les appareils qui avaient ébloui les néophytes : il ne manque que des crédits pour en faire construire davantage. Sur des cylindres noircis à la fumée nous voyons se tracer des graphiques innombrables, dessinant les battemens du cœur, du pouls, les accélérations ou ralentissemens des poumons, la fatigue ou l’excitation des muscles, la sensibilité de la peau, l’acuité ou l’obtusion du toucher, de l’œil, de tous les organes perceptifs, la rapidité ou la lenteur des « temps de réaction. »

Ces menus renseignemens vont se joindre à tous les autres, dans le dossier grossissant.

Puis, le malade est observé psychologiquement : le voici en face du médecin, tout seul, et vous pouvez vous supposer maintenant dans le cabinet d’un Royer-Collard qui ferait une interview. Tout le rôle du praticien est alors d’interroger son sujet : il dirige les recherches de sa mémoire, réveille sa conscience, ses phobies, ses obsessions, ses angoisses et, curieusement, avidement, passionnément, tandis que cet aliéné se raconte, il écrit au