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stylographe toute la pauvre confidence, tâchant de fixer au vol le désordre même de cette pensée élémentaire.

Ces feuilles éparses, à leur tour, vont s’entasser sur les graphiques.

Car vous pensez bien qu’il ne suffit pas d’étudier ces névropathes un instant : il faut suivre toutes les phases de leurs maladies. Il faut surtout tenir compte de leur extrême mobilité. Ils subissent toutes les influences, toutes les suggestions. La moindre présence les trouble, fausse leurs réponses. Il est nécessaire de contrôler ce qu’ils disent aujourd’hui par ce qu’ils ont dit hier, de les comparer sans cesse à eux-mêmes. L’essentiel est de les mettre en confiance. Presque toutes ces consciences incertaines ne demandent qu’un appui : elles sentent leur faiblesse, leur pauvreté psychologique : elles ont besoin de direction, d’autorité, cherchent à s’abandonner. Pour une tâche aussi délicate, la rigueur de la méthode, la patience même ne suffisent pas toujours au médecin. Il y faut un peu plus, un élément moral, une sympathie, quelque chose de pitoyable et de fraternel.

Enfin, une fois close cette immense et longue enquête, il reste à interpréter la liasse des documens. L’avantage de la maladie est de présenter au médecin des phénomènes mentaux grossis ou simplifiés : elle est une expérience toute faite. Mais conçoit-on l’extrême délicatesse du sens psychologique que doit posséder l’aliéniste ? Les diagnostics de médecins se font, en réalité, d’instinct, d’impression, au moins autant que par raisonnement ou méthode. D’après les gestes, les actes, le langage, tous les renseignemens qu’il a recueillis, celui-ci induit les faits psychologiques, « de même que le chimiste détermine les élémens des astres, d’après les raies du spectre. »

Ainsi, la méthode actuelle semble très complète : elle consiste « à unir la médecine mentale à la psychologie, à tirer de la psychologie tous les éclaircissemens qu’elle peut apporter pour la classification et l’interprétation des faits que nous présente la pathologie mentale et réciproquement à chercher dans les altérations morbides de l’esprit des observations et des expériences naturelles qui permettent d’analyser la pensée humaine. »


C’est cette brillante discipline qui a fait le succès du docteur Pierre Janet, successeur de M. Ribot dans l’enseignement officiel. C’est lui qui en a donné la formule que je viens de