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les plus simples, rejoint, à sa manière, la tradition de la philosophie la plus abstraite, celle de l’idéalisme. La réalité, ce ne sont pas nos idées, c’est l’organisation de nos idées, nos idées agissantes. Le réel est plus et moins qu’une idée ; il est une fonction. Et c’est dans le même sens qu’un véritable métaphysicien, M. Bergson, reprenant en style nouveau le vieux problème de la matière et de l’esprit, a pu dire : « L’actualité de notre perception consiste dans son activité, dans les mouvemens qui la prolongent et non dans sa plus grande intensité ; le passé n’est qu’idée, le présent est idéo-moteur... C’est justement parce que j’aurai rendu un souvenir actif qu’il sera devenu actuel, c’est-à-dire une sensation capable de provoquer des mouvemens... Le sentiment concret que nous avons de la réalité présente consisterait donc dans la conscience que nous prenons des mouvemens effectifs par lesquels notre organisme répond naturellement aux excitations, de sorte que là où ces relations se détendent ou se gâtent entre sensations et mouvemens, le sens du réel s’affaiblit en nous. »


Si j’ai insisté sur ces analyses, c’est qu’elles présentent un caractère assez inattendu : peut-on considérer la pathologie mentale comme une psycho-physiologie ?

Sans doute, comme par le passé, mieux que par le passé, on y décrit les phénomènes physiologiques apparens. On tâche même, ainsi que dans les premiers laboratoires, de leur appliquer les procédés perfectionnés de la psychométrie. Mais on se rend compte que ce sont là des accessoires, des détails, dont l’exactitude même doit mettre en défiance : on ne connaît pas les malades avec des instrumens. Tout ce qu’on peut espérer, c’est caractériser par quelques faits précis les différens degrés de la dépression mentale. En réalité, toutes les mesures prises jusqu’ici sont fausses ou inutiles, comme celles des « temps de réaction » qui ne prouvent jamais rien. Il faudrait atteindre des phénomènes plus simples, plus constans. Par exemple, quand le fonctionnement cérébral est compromis, si la vie psychologique s’appauvrit, n’est-ce pas qu’elle se ralentit ? Les sensations élémentaires des différens sens n’y conservent sans doute pas la même durée que dans l’état normal. La vitesse de la conscience change. Voilà quelle serait une mesure utile. On a tenté l’expérience pour la vue par la rapidité de la fusion des couleurs du prisme. Mais ce n’est encore là qu’une indication.