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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/324

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de la certitude, le désir de la sainteté ; ce qui est variable, ce sont les moyens, consciens ou non, dont elles disposent pour apaiser leur angoisse et réaliser leurs désirs. Ce n’est pas évidemment par cet état nerveux que Pascal est arrivé à la joie de la certitude, et, si sainte Thérèse a été hystérique, on ne saurait prétendre que son mysticisme si intelligent et si personnel ait été passivement conditionné par sa névrose ; bien au contraire, elle a su merveilleusement profiter de ses visions et de ses extases pour se rapprocher de son Dieu, et c’est son hystérie qu’elle a soumise à son mysticisme. D’ailleurs, à mesure qu’on lit sainte Thérèse, saint Jean de la Croix, Ruysbroeck, Mme Guyon, on s’aperçoit que le mysticisme, avec l’ascétisme physique et moral qui prépare l’union divine, et l’extase qui la réalise, implique toute une philosophie profonde de la vie ; et l’explication de cet état d’âme par la simple névrose paraît non seulement inexacte, mais infiniment courte. En attendant que la critique médicale apporte dans l’étude générale des phénomènes mystiques plus d’esprit philosophique, je voudrais aborder un chapitre souvent traité, celui de l’amour mystique, et ce me sera une occasion de montrer, avec des textes, combien l’analyse est restée jusqu’ici insuffisante par rapport aux sentimens très complexes et très délicats qu’elle avait la prétention de pénétrer.


I

On a pu avec raison définir le mysticisme « l’amour exclusif de Dieu. »

Non seulement les grands mystiques aiment Dieu comme toutes les âmes religieuses, mais ils aspirent sans cesse à l’aimer davantage et, partant, à n’aimer que lui. Tous les instincts, tous les désirs qui n’ont pas Dieu pour objet, leur apparaissent comme des ennemis de leur âme, et c’est pour assurer jalousement le triomphe de l’amour divin sur toute inclination naturelle qu’ils se soumettent à cette discipline physique et morale qu’on appelle l’ascétisme.

Par le jeûne, ils espèrent soustraire leur esprit à la domination de la matière et s’affranchir d’un besoin qui rive toute créature à la terre ; par les souffrances et les privations physiques, ils veulent tuer l’instinct du plaisir sous toutes ses formes, rendre leur corps insensible aux excitations légères du goût, de la vue