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et me conduit... les biens et la miséricorde m’accompagnent[1]. » Beaucoup de mystiques pourraient répéter ce cantique, qui ont demandé à Dieu d’être le soutien et l’ami, celui qui dirige avec l’autorité et l’affection d’un père. « Une âme abandonnée à Dieu, » dit Mme Guyon, « est en les mains de Dieu, comme un enfant entre les mains de sa nourrice qui le tient par sa lisière[2]. » : « Plus vous serez simple et petit avec Dieu, » dit-elle encore, « et plus il vous aimera. Saint Bernard dit que Notre-Seigneur s’est fait petit afin d’être plus aimable ; j’ajoute à cela qu’il se l’est fait aussi afin de nous apprendre à devenir petits, et c’est le seul moyen d’être agréable à ses yeux[3]. »

Sainte Thérèse, lorsqu’elle se sent tourmentée par le démon, se tourne de même vers son Dieu comme vers l’ami qui ne trahit pas ; et si elle parvient à retrouver le calme, c’est qu’elle s’entend dire : « N’ayez point de peur, ma fille, je ne vous abandonnerai jamais, n’appréhendez rien[4]. » Ne rien craindre, être apaisée dans ses angoisses, avoir non seulement un époux mystique qu’on puisse aimer de sa tendresse de femme, mais un ami sûr qui délivre l’âme des tentations et des doutes où elle se débat, tel est l’idéal de sainte Thérèse, de Mme Guyon et de bien d’autres, chez qui la médecine ne veut voir que des amantes sensuelles de Jésus.

Enfin, on pourrait être tenté de croire que bien des femmes mystiques ont éprouvé pour Jésus enfant un sentiment très analogue à l’amour maternel. Ce n’est pas toujours Jésus plein de force et d’humanité qui leur apparaît dans leurs extases ; elles aiment à le voir tout petit, dans la crèche où il naît, à le suivre en Égypte où il fuit les persécutions d’Hérode, dans le temple où il étonne les docteurs ; à vivre près de lui d’une vie familière et tendre.

C’est ainsi que sainte Rose de Lima paraît s’être complu dans la vision de Jésus enfant ; sainte Lydwine lui a donné son cœur dans ses extases, et Elisabeth Canori Mora l’a entendu lui dire : « J’ai gravé mon nom dans ton cœur et tu ne pourras jamais l’oublier[5]. » Ce n’est pas cependant l’amour maternel

  1. Psaume XXIII, 1, 6.
  2. Lettre 121.
  3. Lettre 28.
  4. Autobiographie, ch. XXV.
  5. Vie. p. 141.