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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/346

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I. — LES ORIGINES

Pour l’expliquer, il faut remonter jusqu’au jour, où la prospérité de leurs premières associations a révélé aux travailleurs la force des énergies individuelles, groupées et disciplinées. Dans les réunions des syndicats, pacifiques depuis l’échec du mouvement chartiste, ils prennent conscience à la fois de leurs droits et de leur puissance. Et à mesure que les colères sont atténuées par la prospérité de l’ère libre-échangiste, les intelligences concentrées sur le Parlement qui élargit le droit de cité et amorce la législation interventionniste, les ouvriers en viennent progressivement à substituer la pression constante et directe des associations politiques à l’action éphémère et dangereuse des manifestations violentes. La loi de 1868 donne le droit de vote à la majorité des travailleurs et imprime à leur activité un élan nouveau. Les Trade-Unions fondent leur premier comité pour la Représentation du travail. De 1869 à 1873 des élections partielles permettent de mettre à l’épreuve le nouvel organisme. Aux élections générales de 1874, il est mis en branle : 17 candidatures sont posées, 2 réussissent. Pour la première fois, des travailleurs manuels siègent sur les bancs des Communes. Avec cette modeste victoire de 1874 commence une nouvelle période dans l’histoire des classes ouvrières : les éclatans succès de 1906 n’en constituent qu’un incident. Le nombre des Labour Members grandit lentement ; les Parlemens de 1880 et 1885 accueillent 3, puis 11 de ces mandataires. En même temps, la conquête des municipalités commence. À Birmingham une Association du Travail introduit ses représentans sur les bancs du Town Council. Timidement les anciens partis entre-bâillent les portes de l’administration. Si sir William Harcourt ouvre aux Trade-Unionistes les cadres de l’Inspection du Travail, dès 1882, sir George Trevelyan et lord Chancellor Herrschell les élèvent au rang de magistrates. Un ouvrier, M. J. Burnet est désigné, pour remplir les fonctions de secrétaire général de l’Office du Travail ; un autre, M. Broadhurst, reçoit les galons de sous-secrétaire d’Etat. L’activité politique des salariés de l’industrie date du jour, déjà lointain, où, après avoir pris conscience de leur force matérielle et morale dans les associations économiques, ils ont trouvé, dans le droit de vote accordé en 1868, un levier efficace.