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peut mesurer l’étendue des besoins et le néant des résultats.

Il n’est pas possible de n’être pas frappé du nombre et de l’importance des coopératives ouvrières de consommation qui rayonnent sur le vingtième, sur le onzième et sur la partie du dix-neuvième qui se confond avec Belleville. Il est de ces sociétés qui comptent 20 000 membres, d’autres 10 000, toutes plusieurs mil tiers. Elles se proposent d’acheter au meilleur compte et de revendre au prix coûtant les objets d’alimentation, de vêtement, de chauffage qui sont indispensables pour vivre. Et par année, ou par semestre, on distribue aux adhérens les bénéfices réalisés sur les prix de vente. Cet appât du boni à toucher a fait des prodiges. Dire quelle est la clientèle de ces institutions, c’est passer en revue tout le meilleur de la population du vingtième. Ce sont des ouvriers du fer, du bois, du bâtiment qui descendent chaque jour à leur travail dans le centre de Paris, surtout dans le onzième ; ou bien se rendent par la ligne de ceinture à Montmartre, aux Ternes, même à Javel pour s’occuper dans les usines. Ce sont de petits employés qui appartiennent à des services publics, octroi, travaux, police, bureaux des préfectures ou des ministères ; ou à des entreprises privées où ils sont métreurs, comptables, commis de magasins. Ce sont des ouvrières dont le métier se rapporte à la passementerie, à la confection, aux modes ; on peut évaluer à près de 20 000 le nombre des femmes qui, dans Belleville et le Père-Lachaise, vivent de ces professions. Tout ce monde est là, parce que les ressources sont modestes et qu’il fallait trouver au meilleur compte le logement et la nourriture.

On peut dire qu’il n’y a pas d’industrie spéciale au vingtième arrondissement. Sans doute, on pourrait citer quelques fonderies, quelques manufactures, quelques fabriques. Mais tout cela ne peut faire vivre qu’une part infime de la population. Aux premières heures du jour et le soir, quand est finie la journée de travail, c’est un mouvement fantastique de tous les adultes, hommes et femmes, qui s’en vont ou reviennent. Dans la journée, les quartiers sont comme frappés de sommeil. Seuls les marchés et la rue des Pyrénées ont encore un peu d’animation. Les ménagères s’occupent des intérieurs, font des provisions et soignent les enfans. Ici, il y en a presque autant qu’au treizième. Il en résulte une évidente obligation d’assistance que les pouvoirs publics ont volontiers reconnue. Quant aux denrées alimentaires, elles sont d’un prix extraordinaire de bon marché. On trouve