Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ces régions habitées par les pauvres, des viandes, des légumes et des fruits qu’il serait impossible de découvrir ailleurs.

Peut-être, jusqu’ici, n’avons-nous point insisté suffisamment sur les manifestations de misère que l’on rencontre partout Nous savons que 6 000 indigens reçoivent des allocations périodiques ; le nombre de ceux qui demandent des secours, au cours de l’année, est évalué à 40 000. Il est de vieux immeubles qui sont de véritables casernemens de misérables. De nombreux numéros seraient à citer ; à Belleville : rues de Belleville, de Tourtille, du Pressoir, Piat ; — au Père-La chaise : rues des Amandiers, de Ménilmontant, Orfila, des Partants, Duris ; — à Charonne : rues des Haies, Gourât, Saint-Blaise ; et, entre tous, l’hôtel du passage Brémant, qui ne contient pas moins de 400 chambres ou petits logemens. Sur les terrains non construits notamment dans la rue des Pyrénées, on rencontre des agglomérations de roulottes et de baraques faites de planches, de toile, de carton bitumé, parfois de vieilles boîtes à sardines ; là trouvent refuge des forains, des brossiers, des repasseurs de couteaux, des rétameurs de casseroles, des fabricans de paniers, des éleveurs de pigeons, des brocanteurs et des chiffonniers. Le prix des loyers varie, de 3 francs par semaine à 5 francs par mois pour un terrain où une famille peu exigeante parvient à camper.

Le brocantage semble être une occupation répandue. On restaure du mieux qu’on peut des effets d’habillement pour les offrir aux amateurs, sur le « marché aux puces, » près la Porte de Montreuil. Les chiffonnières du treizième viennent y vendre leur travail ; elles s’y rencontrent avec les biffins et chineurs de Belleville, de la rue des Amandiers et de la place de la Réunion. Toute la banlieue d’alentour, Montreuil, Bagnolet, les Lilas, concourent à la foule des acheteurs. C’est le pendant du marché aux ferrailles de la Porte d’Ivry.

Ce marché est à l’extrémité du territoire de Charonne. Comme le sol s’est abaissé, l’industrie a reparu. Voici des fabriques de coton, des brasseries, des chocolateries, des entreprises de transport, l’usine à gaz, le métropolitain ; on parle de construire, vers la rue Saint-Blaise, une gare aux marchandises. En attendant la suite de ce projet, les abords du boulevard Davout sont occupés par une armée de chiffonniers dont beaucoup entassent des peaux de lapins. Ils trouvent à écouler leurs provisions chez les coupeurs de poils qui préparent les chapeaux