des érosions salines d’autant plus stérilisantes qu’elles ne sont jamais lavées par la pluie. Enfin la crue, qui monte très vite de juin à juillet, impose chaque année, non seulement des travaux temporaires destinés à défendre les digues et à protéger les terres riveraines, mais une surveillance minutieuse et constante à laquelle la population est tenue par voie de corvée, sans que, lors des fortes crues, puisse toujours être évitée l’inondation qui entraîne champs et villages.
Plus délicate et plus périlleuse encore que cette partie technique, la distribution des eaux, leur ménagement et leur mise en réserve, la part plus ou moins grande à laquelle peut prétendre sur elle l’initiative des populations, exigent une honnêteté, une fermeté, un jugement et un tact qu’on imaginerait difficilement. Longtemps le pouvoir de l’administration fut, non seulement absolu, mais arbitraire ; aucune règle écrite n’en précisait les applications et n’assurait de recours aux particuliers contre les abus qui pouvaient être commis à leur préjudice.
De cette omnipotence discrétionnaire M. Barois donne deux raisons plausibles qu’il tire : la première de la condition juridique du sol dont, jusqu’à une époque récente, la propriété, au moins théorique, appartenait presque entièrement à l’Etat ; la seconde du système d’irrigation par inondation dans lequel toute la région renfermée dans les digues d’une chaîne de bassins est irriguée puis asséchée d’un seul coup, sans que l’initiative individuelle ait à intervenir, les particuliers n’agissant guère que pour satisfaire aux corvées et payer l’impôt.
Aujourd’hui la propriété privée du sol a été établie, par une série de décrets, sur toutes les terres sans distinction. D’autre part l’introduction en Égypte de l’irrigation pérenne a donné au travail des propriétaires agissant isolément une valeur et une efficacité telles qu’il a fallu le limiter et le réglementer législativement. Divers décrets promulgués depuis 1880[1] déterminent les canaux et les drains qui appartiennent au domaine public, les travaux publics qui sont à la charge de l’Etat et ceux qui restent aux soins des particuliers, les sacrifices susceptibles d’être imposés aux propriétaires dans un intérêt général et les indemnités qui peuvent en résulter à leur profit, les cas dans lesquels la corvée peut être exigée des fellahs suivant certaines
- ↑ Décrets des 25 janvier 1881, 12 avril 1890, 22 février 1894, 29 juin 1899, etc.