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l’appartement par bas, situé au fond de la cour extérieure de ladite communauté, contenant deux petites antichambres, un office, un grand salon qui a vue sur le jardin, à droite duquel est une tribune sur le chœur, et à gauche une grande chambre à coucher avec une cheminée, un cabinet ensuite, avec une garde-robes, dans laquelle il y a un escalier de menuiserie qui monte dans un entresol au-dessus… Ce bail fait moyennant le prix de 800 livres de loyer, pour chaque année dudit bail, aux quatre termes de l’an ordinaires, dont le premier écherra le 1er octobre prochain… » Sept ans plus tard, quand Mlle de Lespinasse vint partager son existence, la marquise loua pour cette dernière un appartement séparé[1], donnant sur la même cour « au-dessus des remises de carrosses, » et composé « d’une grande chambre au premier étage, de deux autres chambres de domestiques et d’une salle à manger, » en payant pour ce supplément un prix annuel de 500 livres.

L’installation de Mme du Deffand dans le couvent de Saint-Joseph eut lieu dans la deuxième quinzaine d’octobre 1747, comme nous l’apprend la lettre ci-après :


30 octobre 1747. — Je vous informe, ma chère sœur, que je suis dans mon nouvel établissement et que j’ai le plus joli logement qu’on puisse avoir. Je serais parfaitement heureuse, si vous pouviez avoir un appartement dans ce lieu-ci et si je pouvais finir ma vie avec vous. C’est un château en Espagne que je fais quelquefois. Me voilà séparée de l’abbé ; nous n’en sommes pas moins amis, mais nous ne sommes pas fâchés l’un et l’autre d’être chacun seuls chez nous. Mon frère aîné est décidé à mettre son fils au collège, et il l’amènera l’année prochaine ici ; je ne crois pas que Mme de Vichy vienne avec lui. Je ne vois presque plus Mme de la Force, elle est à peu près en enfance ; d’ailleurs, le précepteur du petit du Roure ne la quitte pas un instant, et on lui a inspiré une grande défiance pour toute la famille. C’est une succession perdue pour Mme de Luynes. Je doute qu’on puisse attaquer les dispositions qu’elle a faites, quoiqu’en vérité elles ne dussent être d’aucune valeur, car il est bien certain qu’on a abusé de son imbécillité. Mais la justice est soumise à des formes qui sont souvent la source de grandes injustices !

9 novembre 1747. — Mon irrégularité à vous écrire a été causée par l’embarras de mon déménagement ; j’en ai été occupée et fatiguée à l’excès. Il y a eu hier quinze jours que je suis établie, et je ne suis pas encore quitte des ouvriers. Rien n’est si joli que mon appartement, et rien n’est plus agréable que mon meuble. Je ne serai contente que quand vous l’aurez vu ; mais il me ruine ; je suis persuadée que, quand on m’aura apporté tous les mémoires,

  1. Bail signé le 7 décembre 1754, pour commencer à courir du 1er janvier 1755. — Ibidem.