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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/466

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nouveau, entre son désir de se reposer dans la foi et son impuissance à s’y reposer. « Tout ce que tu me dis dans ta lettre sur la résurrection est juste, mais ne m’explique point ce qu’a d’incompréhensible l’éternité du temps et de l’espace. Et que le temps et l’espace soient éternels, c’est chose dont on ne saurait douter. C’est là une vérité grande, imposante, une vérité effrayante ; et j’avoue qu’elle est inconciliable avec l’athéisme. »


Privé, de par sa naissance, du double appui moral que donnent au commun des hommes l’amour d’une patrie et l’habitude d’une foi religieuse, le prince de Hohenlohe s’était donc décidé, de très bonne heure, à « poursuivre avec zèle une destination pouvant s’accommoder de telles circonstances. » Il aurait pu trouver cette destination dans l’armée, où maints de ses parens s’étaient distingués ; mais ses goûts et tout son naturel le portaient plutôt vers le service civil. Il était, d’instinct, réservé, prudent, sobre de paroles. A dix-neuf ans, il recherchait la solitude afin de « pouvoir donner audience à ses pensées. » Un peu plus tard, il notait dans son journal que, de plus en plus, « il était tenu à se méfier de tout et de tous. » Avec cela, un caractère foncièrement « passif, » — lui-même nous l’apprend. — Les attestations de ses professeurs s’accordaient à louer « son sérieux, son application, la façon dont il mettait son point d’honneur à bien s’acquitter de toutes les tâches qu’on lui imposait ; » mais toujours il avait besoin qu’on lui imposât des tâches, et rien ne lui était plus pénible que d’être laissé librement à soi-même. D’instinct, aussi, il avait le respect de tous les souverains et grands personnages, du moins jusqu’au jour où la mort ou la disgrâce les dépouillait de leur autorité. Pas une fois, à travers les deux volumes de ses Mémoires, il n’a parlé irrévérencieusement des maîtres qui l’ont employé pendant le temps qu’il les a servis : sauf ensuite à découvrir tout à coup leurs défauts, après leur mort, ou bien, comme pour Louis II de Bavière, ou encore pour Bismarck, lorsqu’il a fini de dépendre d’eux. Enfant, il n’avait pas de plus grand plaisir que de faire sa cour aux familles régnantes ; et le dernier morceau politique de ses Mémoires, au lendemain de la démission qu’il a dû donner de son dernier poste, est un hommage aux admirables vertus morales et religieuses du jeune empereur qui vient de le congédier. Ainsi ce prince dépossédé, se trouvait, évidemment, prédestiné à devenir un parfait fonctionnaire ; et vraiment il n’a pas eu de cesse qu’il ne le devint.

Ne pouvant pas, comme il l’aurait voulu, entrer tout de suite dans