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la diplomatie, il a sollicité et obtenu, en 1843, un emploi dans l’administration prussienne, où ses chefs, de même que naguère ses professeurs, ont été unanimes à le louer de son application intelligente et sûre. Malheureusement, ainsi que je l’ai dit, sa nouvelle qualité de sujet bavarois l’a contraint, trois ans après, à reprendre son indépendance : sur quoi, aussitôt, il s’est mis en quête de quelque autre emploi. En 1851, en 1860, nous le voyons se désoler de ne pouvoir point trouver « une occupation durable et une position fixe. » Il écrit à sa sœur que la vie de gentilhomme campagnard, dans son château de Schillingsfürst, lui devient de plus en plus à charge, et qu’il ne sera heureux que lorsqu’il aura trouvé un travail qui l’absorbe tout entier. « Lorsqu’un homme de mon âge est sans travail, toutes les distractions au monde ne peuvent rien contre son ennui, » lisons-nous encore dans une lettre du 22 février 1862. Pendant vingt ans, entre 1846 et 1866, le jeune prince interroge anxieusement l’horizon, pose infatigablement sa candidature à tous les postes vacans. Enfin, le 31 décembre 1866, après toute sorte de démarches et de négociations, il obtient la présidence du cabinet bavarois : dans la visite qu’il fait à Louis II, il déclare à son souverain qu’il est résolu à renoncer aux privilèges de son rang, pour « se considérer simplement comme un fonctionnaire. »

Ses Mémoires ne sauraient, naturellement, suffire à nous faire connaître ce qu’a été ce ministère bavarois, et dans quelle mesure le prince de Hohenlohe a servi les intérêts de la Bavière en subordonnant, autant qu’il l’a fait, les destinées de ce royaume à celles, de la Prusse. Mais certes il a mis à ses nouvelles fonctions l’activité, le soin, la conscience professionnelle qu’il ne pouvait s’empêcher de mettre à tous les travaux dont on le chargeait ; et la nécessité où il s’est trouvé d’y renoncer, en 1870, a été pour lui une catastrophe dont il a eu beaucoup de peine à se consoler. Sans cesse, pendant les années qui ont suivi, ses démarches pour redevenir ministre en Bavière se sont entremêlées d’une mauvaise humeur, plus ou moins consciente, contre la nation bavaroise et son souverain. Ni la faveur que lui témoignaient le vieux Guillaume, son fils, et le chancelier, ni la passion avec laquelle il préparait et entretenait le Kulturkampf, rien ne réussissait à lui faire oublier qu’il avait eu naguère une « occupation stable, » et qu’il l’avait perdue. Tous ses écrits de cette période nous le représentent inquiet, désemparé, mélancolique, excité encore dans sa haine des Jésuites par le pénible sentiment de son inaction. Mais en 1874, au contraire, dès qu’il est nommé à l’ambassade de