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sentir indigné du despotisme de celui-ci, et, notamment, de tout ce qu’a de dangereux sa politique de répression en Alsace-Lorraine : de telle sorte que, à la chute de Bismarck, les relations du prince de Hohenlohe avec lui sont déjà assez refroidies pour qu’il n’éprouve aucun embarras à se mettre entièrement à la disposition du nouveau chancelier. Le nouveau chancelier et le nouvel empereur, il les sert avec un dévouement et un zèle constans : sauf à être forcé de reconnaître, quelque temps après, lorsque son « orientation » lui a révélé la prochaine disgrâce du général Caprivi, que celui-ci n’a décidément pas le génie politique de son prédécesseur. Et maintenant c’est lui-même, le vieux prince de Hohenlohe, qui, tout naturellement, presque « à l’ancienneté, » se voit appelé à remplacer Caprivi. La chancellerie impériale, telle qu’elle lui est offerte, n’est plus l’enviable et redoutable pouvoir qu’elle était jadis, entre les mains du premier chancelier : elle est une fonction, « une occupation durable et fixe, » comme avaient été l’ambassade de Paris et le gouvernement des provinces annexées. Aussi bien le peu que nous savons de cette période finale de la carrière du prince nous porte-t-il à supposer que, là encore, ainsi que jadis à Munich, Hohenlohe s’est scrupuleusement « considéré comme un fonctionnaire. » Dans son journal du 7 avril 1807, il note les diverses éventualités qui peuvent « ébranler sa situation. » Le 4 janvier 1899, il écrit à un ami : « Je ne puis songer à suivre votre conseil d’abandonner la présidence du ministère d’État : Caprivi l’a fait, et y a perdu sa place. » Enfin, le 3 novembre 1900, il croit s’apercevoir « qu’un changement dans la personne du chancelier ne serait point désagréable à l’Empereur. » Sur quoi il se rappelle, fort à propos, « qu’il soutire d’un asthme et qu’il devient sourd : » et il sollicite de son maître la faveur de se retirer. « Mon départ s’est accompli de la façon la plus pacifique, sans aucune aigreur d’un côté ni de l’autre. »


D’un « côté, » tout au moins, ce départ a dû certainement « s’accomplir sans aucune aigreur ». Quand un châtelain constate que son garde-chasse commence à devenir trop vieux, il le congédie simplement, amicalement, après lui avoir assuré une honnête pension : et l’idée ne lui vient pas que l’excellent serviteur puisse ne pas avoir de cette fin de leurs rapports, la parfaite satisfaction qu’il en a lui-même. Ne l’a-t-on pas toujours connu, depuis un demi-siècle, fidèlement dévoué aux intérêts de ses maîtres, modeste, réservé, complaisant et docile, n’ayant point, évidemment, d’autre bonheur au