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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/564

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églises sont le livre des enfans et des femmes. Il faudrait donc avoir plus de scrupule que les païens. Les Egyptiens ne laissaient peindre rien d’inconvenant. On devrait, d’abord, enlever les figures déshonnêtes, et, ensuite, ne pas admettre des compositions qui provoquent le rire par leur médiocrité. Il faudrait que, dans les églises, les maîtres distingués peignissent seuls et qu’ils représentassent uniquement des choses honnêtes. »

L’année suivante, il arrive à la discussion de principes, et développe sa pensée sur la beauté, pensée de source platonicienne et chrétienne, éclairée par l’expérience, dans un milieu d’artistes pratiquans : « La beauté ne consiste pas seulement dans les couleurs. C’est une qualité qui résulte de la proportion et de la correspondance des membres et des autres parties du corps. Vous ne trouverez pas qu’une femme est belle parce qu’elle a un beau nez et de belles mains, mais parce que tout chez elle est bien proportionné. D’où vient donc cette beauté ? Si vous regardez bien, vous verrez qu’elle vient de l’âme. En effet, dès que l’âme a disparu, le corps devient pâle et méconnaissable ; il a perdu sa beauté. De même, quand un artiste peint une figure d’après nature, son ouvrage est toujours moins beau que son modèle. Malgré tout son mérite, il ne peut donner à sa peinture la vie que contient la nature, car l’art ne saurait révéler complètement la nature. » On voit de reste que le prêcheur généreux partage l’enthousiasme de ses contemporains pour les représentations plastiques et pittoresques de la beauté. S’il veut les ramener vers l’idéal sain et moral qui avait été celui de Giotto, c’est toujours par le naturalisme dont les excès seuls alarmaient sa piété. Il ne cesse d’y revenir, il retrouve, dans son admiration pour la nature, les élans poétiques de saint François d’Assise : « Dans les choses essentiellement harmonieuses, la beauté, c’est la lumière… » Tous les conseils qu’il donne aux artistes sont ceux qu’ils recevaient dans leurs ateliers. Dans le couvent modèle qu’il voulait fonder devaient être établis, comme dans ceux du moyen âge, des ateliers et des écoles pour les peintres et sculpteurs.

Quoi d’étonnant que, parmi la foule qui, durant huit années, s’écrasa, tremblante et pleurante, autour de sa chaire, les artistes fussent toujours au premier rang ? La liste de ces convertis est aussi longue que glorieuse. L’accomplissement de ses premières menaces avait allumé, au front du moine, une auréole de prophète éblouissante et irrésistible. Dans ces sermons de 1496