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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 36.djvu/698

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bénéfice par de fâcheux gaspillages ou d’illicites emprunts. Presque aussitôt après son arrivée aux affaires, on le voit interdire « aux munitionnaires, qui ont entrepris la fourniture du pain de munition aux garnisons des places frontières de Picardie, Champagne et des places avancées dans le pays ennemy, et à toutes autres personnes de quelque qualité et condition qu’elles doient, de prendre, ni employer aucun bleds des magasins, si ce n’est qu’ils en ayent ordre de Sa Majesté, par escrit, à peine des vies[1]. » Sur ce service, jugé par lui si important, le contrôle des commissaires généraux qu’il a institués ne paraît même pas suffisant à Le Tellier ; de temps à autre, il envoie à l’improviste un de ses principaux commis, en qui il a une particulière confiance, visiter les places fortes et leurs magasins et vérifier, de visu, avec pouvoir d’exiger toutes les justifications possibles, si tout y est en ordre et s’il convient de prendre quelque urgente mesure ; parfois, c’est lui-même qui fait ces tournées d’inspection et, un peu plus tard, il en chargera son fils Louvois, pour qu’il achève son apprentissage pratique, soit seul, soit avec Vauban qu’il tient, dès ce moment, en grande faveur.


VI

Jusqu’à Richelieu, l’on s’était fort peu préoccupé des malades et des blessés qui périssaient, trop souvent, faute de soins. L’un des premiers, il pourvut dans l’armée à l’organisation d’un service médical. L’ordonnance de janvier 1629, dans son article 32, décide que tout régiment devra avoir un hôpital, des chirurgiens et des aumôniers. Par un brevet daté du 15 février de cette même année, l’archevêque de Bordeaux fut chargé de la surintendance de l’hôpital de l’armée d’Italie. En outre, Richelieu prescrivit « qu’il y aurait dans chaque armée des jésuites et des cuisiniers, qui donneroient des bouillons et des potages à tous les malades qui ne voudroient pas aller aux hôpitaux, et de plus des

  1. Ordonnance du 25 novembre 1648. Cette date seule, — si d’innombrables et concluans documens n’établissaient tout ce que Le Tellier ne cessa de faire pour organiser et régulariser l’approvisionnement des armées, — suffirait à prouver avec quelle absence de justice Camille Rousset a écrit ; « C’est à Louvois que revient la gloire d’avoir résolu le problème si difficile des subsistances. Avant lui, on ne s’en mettait guère en peine. » (Histoire de Louvois, t. I, page 248.) En cela comme en beaucoup d’autres choses, on ne saurait trop le répéter, Louvois ne lit que s’inspirer de la tradition paternelle, qu’il renforça de sa rare puissance d’intelligence et de travail.