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les arrêtés de déportation lancés par le Directoire contre une infinité de prêtres catholiques, à raison de délits ou de prétendus délits contre-révolutionnaires ; il n’avait pas abrogé en termes formels les lois de bannissement portées par la Législative et la Convention contre la masse des insermentés.

Sous le Directoire fructidorien, des centaines de prêtres avaient été déportés en Guyane. La plupart y avaient péri, suppliciés par le climat ; Bonaparte ne se pressa pas de rappeler les survivans, laissant se prolonger leur agonie ; c’est l’une des taches qui pèsent sur sa mémoire. D’autres prêtres par centaines avaient été entassés dans les îles de Ré et d’Oléron. On mit en liberté ceux qui consentirent à signer la promesse ; sur les autres, la surveillance se relâcha : il y eut des élargissemens et des évasions en masse.

Outre les déportés, il y avait les reclus. Les prisons départementales regorgeaient de prêtres condamnés à la déportation et dispensés de cette peine par le Directoire, à raison de leur âge ou de leurs infirmités ; on les tenait enclos dans des locaux dits de détention ou de « réunion. » Les préfets, autorisés sous leur responsabilité à modifier le sort de ces malheureux, usèrent diversement de cette latitude. Prenons un exemple. A Mont-de-Marsan, le préfet trouve en prison vingt-deux prêtres, affreusement malades. Le ministre de la Police l’a autorisé à les renvoyer en simple surveillance dans leurs communes respectives. Le préfet prend sur lui, en les élargissant, de les autoriser à rester au chef-lieu. Le jour où cette mesure est connue, le peuple se porte en tumulte à la prison ouverte et vient assister dévotement aux messes que les prêtres y célèbrent, avant de sortir. Cette fois, le préfet trouve la manifestation excessive et suspend l’adjoint qui l’a tolérée. Ailleurs, on met en liberté tel ecclésiastique, on retient tel autre, sans savoir au juste pourquoi. Certains préfets jugent imprudent d’ouvrir trop tôt les prisons pour prêtres et blâment le libéralisme de leurs collègues.

Dans l’énorme quantité de prêtres rentrés en France au lendemain de la Terreur, lors de la première accalmie, tous n’avaient pas été déportés ou emprisonnés après le 18 fructidor et la reprise des rigueurs. Tous s’étaient trouvés sujets aux lois de bannissement que le Directoire avait rééditées avec un grand fracas de menaces. La plupart d’entre eux étaient cependant restés en France. Ils avaient réussi à se dissimuler, à échapper aux